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Gestion du changement en entreprise

Quelques réflexions sur la conduite du changement

 

 

Rien n’est permanent, sauf le changement.

Cette formule est attribuée à Héraclite, un des principaux philosophes grecs qui vécut à Éphèse vers 500 av. J.-C., souvent cité par Platon et Aristote. Ce changement intervient de façons très diverses, avec une constante : notre environnement évolue tous les jours. Héraclite aurait eu cette formule “nous ne nous baignons jamais dans le même fleuve”, signifiant que les eaux sont toujours renouvelées avec le courant. En tant que mentors, formateurs, coachs, nous sommes sollicités pour faciliter ce changement qui est rarement facile à vivre afin de :

  • donner aux dirigeants de la visibilité sur comment l’initier, 
  • aider à sa mise en œuvre en soutenant les équipes de transformation, 
  • soutenir les managers qui sont sur le pont et en première ligne sans savoir toujours bien se positionner, 
  • ou tout simplement aider chacun à trouver sa place dans l’organisation.

 

Le changement prend différentes formes : fusions et acquisitions engendrent des réorganisations, la volonté d’être plus rapide et flexible amène de nouveaux modes de communication ou de prise de décision, les entreprises décident parfois aussi de casser les hiérarchies rigides et de passer au matriciel… En revanche, dans tous les cas de figure le changement ne peut avoir lieu que si les mentalités se transforment. Or nombreux sont les obstacles à l’évolution des façons de penser et donc de faire. 

Nous pouvons les regrouper en 3 grandes catégories.

 

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La gestion du changement en entreprise : la part individuelle. L’impact de chacun

Les humains résistent souvent au changement par peur de l’inconnu, de la perte de contrôle ou par incertitude quant à leur rôle et leurs responsabilités dans la nouvelle configuration. Qui plus est notre cerveau a été conçu pour ne pas avoir à faire d’efforts (afin de mieux gérer sa consommation énergétique) et favorise donc les situations connues. Ceci lui permet de se mettre en mode “automatique” sans avoir à trop réfléchir et ainsi d’être économe en énergie. Pour qu’il accepte le changement, il faut le faire passer en mode “adaptatif”. Ce n’est pas un mince effort que de faire passer durablement les cerveaux des personnes concernées par la transformation dans ce mode très utile.

Il y a dans le livre ‘leçons de vie’ d’Elisabeth Kübler-Ross des observations qu’elle a réalisées qui permettent de modéliser comment, individuellement, nous nous comportons face aux plus graves changements qui peuvent survenir dans une vie. Même si nous ne comparons pas un changement d’organisation à un deuil, il peut être bon de tenir compte des 5 phases que traverse toute personne confrontée à un changement important, lorsque l’on pilote une transformation. Elles sont dans l’ordre (mais il y a souvent des allers-retours entre les phases successives) : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation

Comme les managers sont souvent les plus exposés lors des changements en entreprise, ils ont besoin d’un appui et de soutien solides de la part de leurs dirigeants. Sans cela les efforts déployés pour favoriser une culture propice au changement risquent de s’essouffler. Les dirigeants doivent donner l’exemple du comportement qu’ils souhaitent voir adopter et défendre activement le changement.  Les dirigeants sont des humains pour lesquels s’appliquent les phénomènes  physiologiques et psychologiques mentionnés ci-dessus Et nous constatons que la peur de l’échec les conduit souvent à ne pas totalement incarner et représenter “le changement qu’ils voudraient voir dans leur monde” pour paraphraser Gandhi. Leur frilosité visible permet à des systèmes de double standard d’exister dans lesquels durent les modes de fonctionnement du passé et où la place n’est pas vraiment, ou complètement, donnée au nouveau modèle pour s’épanouir et se répandre. Au final, en l’absence de mesures claires de responsabilisation, les collaborateurs peuvent ne pas se sentir responsables de la conduite ou du maintien des efforts de changement. ce qui conduit à l’inertie ou à un manque de suivi.

 

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La part structurelle / systémique : le poids de l’organisation

La culture organisationnelle existante joue un rôle clé dans la ‘prise’ ou non du changement. Quand dans une entreprise on ne soutient généralement pas et que l’on encourage encore moins les micro-changements (“on a toujours fait comme ça””pourquoi changer quelque chose qui marche””ça ne marchera jamais”…), alors l’évolution des mentalités et des comportements nécessaires à de vraies transformations a peu de chance de s’effectuer sans effort significatif. Peter Drucker avait expliqué il y a déjà plus de 30 ans que “culture eats strategy for breakfast”. En fait il semble n’avoir jamais prononcé ces mots, mais en revanche il a expliqué très clairement qu’aucune stratégie ne fonctionne si elle ne prend pas en compte la culture de l’organisation à laquelle elle est supposée s’appliquer, car la culture est persistante.

Les effets d’annonce, voire les effets de mode viennent compliquer le tout. Nous rencontrons un grand nombre d’organisations dans lesquelles de grandes déclarations sont prononcées par les dirigeants (du groupe ou locaux) tous les 18 mois. “Demain nous passons à … (insérer le concept managérial qui vous plaira)”. Résultat, soit tout change tout le temps, soit aucune des déclarations n’est réellement suivie d’effets. 

Le premier cas conduit à l’épuisement des employés. En effet, le changement constant peut entraîner la fatigue et l’épuisement des employés s’il n’est pas géré efficacement. Car le changement perd de son sens : on ne voit plus à quoi il sert. Il est important de trouver un équilibre entre le changement et la stabilité, afin de faciliter son acceptation et sa mise en œuvre… Dans le second cas, les collaborateurs deviennent blasés voire désabusés : “les chiens aboient et la caravane passe”, ils ne s’engagent donc plus car leurs efforts seront bientôt défaits par la prochaine annonce. La prise en compte d’une nécessaire évolution de la culture permet de se laisser le temps d’agir, et de conduire le changement avec des étapes successives, qui une fois ancrées seulement, permettent de passer à la suivante. 

Enfin, il est assez rare que le changement significatif n’affecte qu’une seule équipe. Il se heurte donc aux “compartimentages”, aux silos organisationnels. Cela fait que les services ou les équipes qui travaillent en vase clos finissent par entraver les efforts de collaboration et de coordination nécessaires à la réussite de la mise en œuvre du changement. Ou alors les équipes des projets pilotes finissent par pâtir de l’inertie des services transverses. Nous avons ainsi connu un projet où les efforts des départements pilotes se trouvaient barrés par… les équipes agiles du siège ! Pour faire le lien avec la partie précédente, il devient alors fondamental que les dirigeants prennent alors des décisions symboliques fortes.

 

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La part projet – l’importance du processus

Simon  Sinek a beau le répéter à l’envie (son Ted a été vu des millions de fois),  les bons storytellings pour soutenir les projets de changement dont nous avons été témoins sont plutôt rares ! Il est pourtant très utile de donner du sens en expliquant les raisons du changement et le pourquoi du projet. Une communication inadéquate ou imprécise sur les raisons du changement, ses avantages et la manière dont il sera mis en œuvre peut engendrer de la confusion et de la résistance parmi les employés qui n’auront pas d’étoile polaire pour les guider dans les moments difficiles. Nous retrouvons cela marchant de concert avec des mesures et des objectifs imprécis. En l’absence d’objectifs clairement définis et de paramètres permettant de mesurer les progrès accomplis, il est difficile d’évaluer l’efficacité des initiatives de changement et de procéder aux ajustements nécessaires en connaissance de cause. Les résultats clés -KR- sont d’ailleurs indispensables, il n’y a pas que les KPI qui comptent. 

De plus et en déclinaison des points précédents, il est crucial que les processus de gestion du changement soient bien conçus pour empêcher une approche fragmentée du changement, avec des initiatives manquant de cohérence et d’alignement sur les objectifs stratégiques de l’organisation. 

Enfin le dernier obstacle est souvent la contrainte en matière de ressources. Des ressources limitées, tant en termes de temps que de budget et de personnes dédiées à la transformation peuvent entraver la mise en œuvre des initiatives de changement. Ces limites rendent difficile l’investissement dans la formation, l’infrastructure ou d’autres systèmes de soutien nécessaires, y compris externes, et au final ne permettent pas vraiment de récompenser et célébrer les premiers succès. Car le paradoxe est que les projets timides, qui manquent d‘ambition en ne visant pas la lune, sont voués à l’échec, alors même qu’il n’est pas facile pour la plupart des entreprises de parier et risquer gros : par essence et du fait des points évoqués ci-dessus, le changement final n’est jamais garanti.

 

Pour résoudre ces problèmes, il est bon d’adopter une approche holistique qui implique un leadership fort, une communication claire, des processus de gestion du changement solides et un vrai travail sur la culture organisationnelle pour la rendre favorable. Il faut tout ceci réuni pour engendrer l’adaptabilité qui permet l’amélioration continue (changement comportemental de niveau 1) et encore plus les disruptions (changement culturel de niveau 2). 

 

Nous avons l’habitude de conseiller de :

  • mettre le paquet sur la communication initiale avec la création d’un récit qui va être répété et déployé tout au long du projet, et créer à travers les explications du pourquoi un sentiment de nécessité,
  • se donner du temps et ne pas être impatient : on ne fait pas pousser les carottes en les tirant par la queue, on les abîme au contraire. Il convient de donner le temps au temps et même de prévoir des pauses et des paliers, et de mesurer avant de passer au suivant,
  • prévoir de la résistance à tous les étages et à chaque moment et savoir en accueillir tous les signaux et effets comme autant d’indicateurs de la santé du processus,
  • privilégier les petits pas, en procédant pas à pas et en célébrant tous les premiers pas aussi petits qu’ils soient.

 

Tout changer pour que rien ne change

Une fois la transformation jugée atteinte, il peut enfin être utile de mettre en œuvre des modes de fonctionnement beaucoup plus écologiques pour l’organisation et pour les personnes qui y travaillent, en privilégiant l’émergence d’un mode de décision au plus près du terrain. “C’est celui qui fait qui sait”, selon la célèbre formule de Jean-François Zobrist qui décrit ainsi superbement et limpidement le principe de subsidiarité. Cela permettra de mettre en œuvre des micro-changements très réguliers, méthode bien plus efficace (efficiente diront certains) que les grosses réorganisations. En effet, fonctionner en mode délégatif très décentralisé permet à l’organisation de devenir adaptative, d’être beaucoup plus réactive au bon sens du terme. Surtout quand ceci est couplé avec le principe du ‘test & learn’ et donc le fameux droit à l’erreur, qui ne cherchent pas de solution parfaite mais permettent de trouver des réponses qui fonctionnent jusqu’à ce que l’on en trouve de meilleures, constamment. Car comme nous le rappelle Héraclite, notre environnement change tout le temps. Mettre en œuvre de grosses transformations prend du temps, et une fois réalisées, elles risquent déjà d’être obsolètes… 

L’excellence décisionnelle dans un monde incertain, complexe, volatile et ambigu nécessite de s’adapter un peu tout le temps, en s’appuyant sur les forces en présence qui connaissent cette réalité, plutôt que sur des stratèges très intelligents mais malheureusement ignorants de l’évolution précise de l’environnement. On ne se baigne pas dans un bain, mais dans un fleuve… 

 

AC Mentoring aide donc les dirigeants à faire évoluer les modes de management de leur organisation en construisant avec leurs équipes une gouvernance plus réactive et donc beaucoup plus puissante. Comment ? Via une décentralisation du leadership et une structuration des processus décisionnels bien plus agiles et plus pragmatiques. En effet, les modes de décisions hiérarchiques en cascade ont fait la réussite de la révolution industrielle, par la planification et l’anticipation, mais ne sont plus adaptés à l’heure de l’intelligence artificielle et de la volatilité des marchés ! Là où le critère de succès principal des entreprises était l’investissement, c’est aujourd’hui la vitesse d’adaptation qui permet la survie.

Dans Le Guépard de Visconti, Tancrède (Alain Delon) s’adresse à son oncle, le prince Salina (Burt Lancaster), qui voit son monde s’étioler : ‘’il faut que tout change pour que rien ne change’’. Le message est clair : “si vous voulez conserver vos positions, soyez un acteur des bouleversements en cours”.

Co-auteurs : Claire Chedeville, Véronique Cordier, Margaux Borel, Cyril Ogée, Franck Tourtois 

 

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