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Quand la gouvernance de l’entreprise rime avec confiance et autonomie

Replacer l’Homme au cœur de l’attention : Chronique d’un sauvetage industriel

 

 

Voici la fiche de lecture du livre de Nicolas Jeanson « Replacer l’Homme au cœur de l’attention » sur l’histoire du retournement d’une situation difficile d’une entreprise grâce à la mise en place d’un management par la confiance et l’autonomie.  Le livre explique comment Nicolas Jeanson a sauvé une usine de produits pharmaceutiques du désastre, en restaurant la confiance des clients et des employés pour retrouver l’équilibre économique indispensable à la pérennité de l’entreprise. 

Nicolas Jeanson a exercé pendant plusieurs décennies des responsabilités de DRH et de directeur de sites industriels appartenant au secteur automobile. Il est ensuite devenu consultant en accompagnement de dirigeants, principalement sur le thème du management, rôle dans lequel il a accompagné cette entreprise du secteur pharmaceutique. Tout au long de son parcours professionnel, Nicolas Jeanson a été guidé par le souci constant de répondre à 2 impératifs simultanés : obtenir de bons résultats économiques, condition sine qua non pour pérenniser l’organisation, et respecter les personnes et de leur bien-être au travail. 

Appelé dans le cadre d’une mission de management de transition, il a été confronté à une dégradation alarmante des résultats, non pas en raison de pertes d’activité ou de clients, mais d’un passage général en mode dégradé dû à des coûts élevés de non-qualité, de multiples retards de livraison et un absentéisme supérieur à la moyenne du secteur. Ce qui devait être une mission intermédiaire de 4 mois a été prolongée d’une année, le temps de redresser les résultats et surtout de rétablir la confiance entre les opérateurs et leur manager. 

Dans ce livre, il exprime ses convictions personnelles, notamment sa surprise de constater que les solutions de management sain que l’on pourrait penser être des pratiques courantes dans les entreprises sont finalement rarement appliquées. Car si les hommes et les femmes qui occupent des postes de direction ne manquent pas de compétences techniques, il leur manque souvent la capacité de « réparer ce qui a été endommagé », à oublier leur rôle professionnel pour se recentrer sur l’humain, et établir de véritables connexions avec leurs collègues et collaborateurs, dépassant ainsi les egos qui bloquent souvent les évolutions.

Il est intéressant de noter la simplicité avec laquelle il observe et écoute pour comprendre les gens, leur poser des questions et les faire réfléchir aux conséquences du maintien de leurs habitudes. Il raconte comment il a pris conscience de la situation et a travaillé sur les nombreuses failles qui sont apparues dans l’usine. Sa force est d’utiliser ses valeurs humanistes pour amener progressivement les employés à se remettre en question et à s’impliquer dans un sauvetage de l’entreprise. Il démontre que le changement de comportement ne peut se faire que lorsque les individus voient le sens de leur action, comprennent comment ils contribuent au succès ou à l’échec, mesurent leur impact concrètement.

Ce livre montre aussi comment, en période d’incertitude, il est important de différencier les notions d’erreur, d’échec et de faute. Là où la faute démontre une volonté de saboter où une incompétence liée à une répétition d’erreurs identiques, l’échec est la conséquence d’erreurs qui sont utiles pour tester des approches, expérimenter des nouvelles façons de faire quand on est dans l’ambiguïté. Quand on est dans le noir, il est compliqué de sortir de la pièce sans faire des tentatives pour trouver la porte. 

Bien évidemment, chaque échec appelle une analyse et un apprentissage (via une culture du feedback) afin d’arrêter rapidement ce qui ne fonctionne pas pour expérimenter de nouvelles choses. Il est aussi très utile de libérer la parole dans l’organisation, de créer des espaces d’échanges afin de discuter d’écarts de vue, de tensions avec la réalité souhaitée, et de coconstruire des hypothèses qui donneront lieu à des décisions d’expérimentation.  

Ainsi, cette pratique Agile permettra d’avancer à tâtons, et de faire évoluer progressivement le fonctionnement de l’organisation, sans faire de restructurations, qui ressemblent souvent à des révolutions (où les têtes tombent bien souvent) et qui créent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent. Faire confiance au système humain, lui laisser la liberté d’agir au sein d’un cadre connu et respecté, permet de faire progresser et évoluer les organisations plus sûrement que des grandes décisions managériales souvent perçues comme brutales et inhumaines. 

Reconnaître qu’on ne sait pas est le premier pas pour les dirigeants, accepter de faire confiance via un lâcher prise courageux en est le deuxième. « C’est celui qui fait qui sait » aurait dit David Marquet pour qui descendre l’autorité là où se trouve l’information (c’est‐à‐dire chez les opérateurs) est plus efficace que de la remonter là où se trouve l’autorité.

Nicolas Jeanson pose clairement le cadre, les règles du jeu et les valeurs humanistes qui sont les siennes. Cette contrainte peut être douloureuse pour certains acteurs qui, refusant de coopérer aux nouvelles règles, s’excluent eux-mêmes du processus de travail. 

Il n’hésite pas alors à exercer son autorité dans son rôle de directeur de site pour remplacer les collaborateurs en question. Puis un climat de confiance se réinstalle naturellement dans l’usine. Et les résultats sont objectivement visibles rapidement : réduction des erreurs de conduite de ligne, reprise des progrès de productivité, amélioration du taux de satisfaction clients. 

Avec le sourire partagé et retrouvé, une détente au niveau des relations interpersonnelles émerge. L’amélioration des résultats suivront et permettront de renouer avec une politique de rémunération qui valorise les efforts et le progrès. Une boucle vertueuse est ainsi réinitiée qui étonne d’abord les partenaires sociaux habitués à la confrontation.

Alors que l’emploi devient souvent une variable d’ajustement des coûts avec l’arrivée grandissante de la robotisation et de l’automatisation, il est indispensable de voir plus loin et de ne pas oublier que les robots vont de pair avec l’humanisation du travail. Ce témoignage récent datant des années 2010 démontre la capacité des organisations à conduire le changement quand elles replacent l’humain au centre de l’attention et des processus managériaux. 

Face à l’émergence d’un monde de plus en plus VICA (volatile, incertain, complexe, ambigu) qui nécessitent des prises de décision de plus en plus complexes, ce récit nous rappelle qu’il est primordial de ne pas oublier l’humain. Il est essentiel de passer du temps avec les collaborateurs chaque jour (pour les observer, les écouter et essayer de comprendre ce qu’ils font et comment ils le font) et de dire ce que l’on fait et de faire ce que l’on dit : être exemplaire dans n’est pas un bon moyen de réussir, c’est le seul moyen pour créer de la confiance. Albert Einstein (1879 – 1955) disait à ce propos « L’exemple n’est pas une autre façon d’enseigner, c’est la seule façon d’enseigner. » 

La Fondation Olivier Lecerf (1929-2006), ex-président de Lafarge de 1974 à 1989 a été créée pour honorer et faire connaître des réalisations, des travaux ou des ouvrages qui s’inscrivent dans la tradition de l’humanisme entrepreneurial. Cette Fondation a remis son Prix de l’année 2014 à Nicolas Jeanson pour son ouvrage « Replacer l’homme au cœur de l’attention. Chronique d’un sauvetage industriel ». 

C’est l’approche humaniste du management de Nicolas Jeanson, dont l’ouvrage donne un témoignage concret, qui est a été récompensé.

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