Management en start-up puis scale-up : le devoir d’effacement du CEO et la délégation

 

Si le CEO de la start-up est celui qui définit la mission, le cap à suivre, et, en conséquence, à tendance à déterminer le rôle que doit tenir chacun de ses collaborateurs, il ne peut pas prendre en charge indéfiniment l’ensemble des mesures et manœuvres à engager pour atteindre les objectifs de développement. Pourtant, de nombreux CEO peinent à déléguer de peur de ne plus avoir la maîtrise de l’activité de leur entreprise. C’est pourtant un mauvais choix de management pour un entrepreneur qui se veut être un bon manager, et scaler sa startup ! Savoir déléguer est en effet crucial pour le succès de son entreprise.

 

Quand le « leader à tout faire » devient « leader manager », puis « leader ».

Tous ceux qui supportent des start-ups le savent : lors de la levée de fonds, l’évaluation porte autant sur le potentiel de l’offre et son marché que sur l’équipe qui va conduire le projet.

Dès cette phase on parle d’équipe donc de gouvernance, management et leadership. Souvent la levée de fonds va d’ailleurs permettre de recruter, constituer le noyau de base.

Dans cette 1ère étape de vie de la société, le CEO est un atout qui va porter le développement et la structuration. Période tendue, il doit être au four et au moulin, faire de la stratégie et de l’opérationnel, avant d’aller acheter les rouleaux de papier toilette. Et il doit aussi manager.

Les enjeux de management sont multiples :

  •  Il faut souder cette équipe restreinte, créer la confiance, la solidarité, les valeurs qui vont la porter,
  • Il faut définir les premières règles de gouvernance, qui forgeront le fonctionnement lors de la croissance et des autres recrutements potentiels,
  • Il faut un fort leadership pour lutter contre vents et marées, changements, échecs, déboires en tout genre et autres joyeusetés des premières années, gérer aussi les pivots souvent nécessaires sans tout casser,
  • Il faut enfin piloter, gérer, manager au quotidien en trouvant le mode adéquat avec ses interlocuteurs, souvent de forts caractères dans ce type d’aventure.

Pour corser le tout, il y a souvent des personnes qui se retrouvent responsables d’équipes pour la première fois, au sein de toutes ces nouveautés et de ce terrain mouvant de construction de la société.

 

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Photo by bruce mars on Unsplash.

 

Le CEO est le point central de tout cela. Un fort leadership et une capacité à prendre en compte ces besoins de management l’aideront à traverser cette phase avec succès.
Très vite, tout change. Ce que l’on était contraint de faire est maintenant réalisé par d’autres, on s’éloigne du détail de certains points techniques, notre expertise grandit tout en se diluant dans l’ensemble des connaissances du nombre croissant de collaborateurs. Il faut apprendre tout cela en tant que nouveau dirigeant, alors que justement le facteur temps est souvent ce qui manque à une start-up. Sans compter le facteur humain, de plus en plus important au sein de la structure.

 

Comment AC Mentoring accompagne le management en start-up pour booster leur développement ?

 

L’accompagnement que nous réalisons porte sur les basiques du management et les bases d’une bonne gouvernance et communication, voir d’aider à poser certains process.

Il est possible d’accompagner les équipes qui vont suivre le leader, lorsqu’il comprend bien ces enjeux et accepte de prendre le temps pour aider ses managers à progresser, donc être plus efficace, donc gagner du temps. On peut ainsi construire avec lui ce qui va conduire…. à son effacement.

Si les bases saines ont été posées dès les fondations, on peut miser sur une évolution pérenne, en bonne intelligence avec la mutation de la structure.

Mais si ces bases ne sont pas présentes, que la direction de la start-up a tout fait à marche forcée sans prendre le temps de cette bonne gouvernance, alors on arrive à un moment délicat.

En effet, lorsque la structure grandit vraiment, lorsqu’elle entre en phase de scale-up (en général après 3 à 5 ans), alors le CEO fondateur devient parfois un frein, pour ne pas dire un obstacle à l’évolution. Un CEO qui aidera sa start-up à franchir cette deuxième crise de croissance comprend qu’il doit changer de métier au passage et surtout, surtout s’effacer. On ne parle pas de changement du CEO (ce qui est le cas avec certains investisseurs) mais de la délégation, la prise de recul.

Au début, le CEO ne fait qu’un avec la société, il la porte, la construit, la relève, la relance. Il en est souvent le visage et crée son équipe, sa garde rapprochée – souvent à son image- qui l’aide dans cette mission. Mais avec le temps, les équipes et les besoins grandissent. Le CEO ne peut plus être ce point central, il ne peut plus décider de tout et s’immiscer dans tous les détails qu’il était parfois obligé de régler lui-même par manque de ressources… au début.

Or, nous n’en sommes plus au début, et il faut « lâcher ». S’il n’y a pas de changement, alors le CEO devient goulot d’étranglement pour les validations et décisions, il finit par retarder les choses empêcher les bonnes décisions, exaspérer ses équipes, décourager certains internes comme externes et peut jouer avec le burn-out.

 

Le mot-clé du management en start-up : la délégation

 

Le meilleur moyen d’aider la structure à grandir de manière pérenne est : la DELEGATION. C’est le maître mot, le thème crucial de l’évolution du CEO.

Ce qui permettra à la société d’affronter les 5 à 10 prochaines années de son existence c’est un changement drastique de l’état d’esprit du CEO. Il doit apprendre a porter son attention sur la stratégie, la vision et s’éloigner du reste. En tant que leader, il est impératif qu’il enclenche des actions « long terme », en délégant les actions « du quotidien » à ces équipes.

Si en théorie, cela peut paraître simple à mettre en place, la pratique est malheureusement tout autre. Dans la réalité de tous CEO, c’est même un moment très difficile.
Bien souvent, ils ont tout créé : de l’idée, à la structure du projet. De la concrétisation de ce dernier, à la construction de la première équipe. Alors, quand vient le jour où la délégation de certaine tâche n’est plus une option, certains ont peur de faire confiance, ont le sentiment de perdre le contrôle et, même avec la meilleure volonté du monde, lâcher prise peut devenir douloureux.

C’est pour cela que certains investisseurs imposent de choisir un nouveau CEO pour les étapes de scale-up, car le besoin de la start-up est différent. Un bon leader doit savoir se retirer de ce qu’il a fait avec passion les années précédentes et déléguer avec raison et méthodes dans le présent. Ce n’est qu’à ces deux conditions que l’avenir de la start-up se construira sereinement.

 

Le CEO qui cessera d’avoir une oeil sur tout et arrivera à s’effacer pour mieux piloter, restera le leader de la start-up sur le long terme. Ce changement de mindset est en réalité un petit pas pour le CEO, mais un grand pas pour la start-up !

 

À propos de l’auteur :

Frédéric Blanc a débuté sa carrière dans une start-up passée de 4 à 120 personnes en 5 ans. Il a fait partie de la direction de ce qui est devenu un groupe pendant 10 ans en tout. Il a ensuite développé et piloté de nouvelles activités à l’international et redressé une filiale  au sein d’un groupe industriel pendant la 10aine suivante. Il accompagne aujourd’hui des dirigeants de start-ups comme de groupes industriels.

 

Crédit photo de couverture : photo de Brooke Lark sur Unsplash.

New Amsterdam : une ode à un nouveau style de leadership et de management ?

 

Oh mon dieu… ! Depuis un mois, je suis infidèle. Pourtant, cela fait 17 ans qu’elle partage ma vie. 17 ans que je la retrouve tous les ans, au pied du sapin. 17 ans que je n’ai d’yeux que pour une seule série médicale, qui rythme mes soirées d’hiver bien au chaud sous mon plaid. C’était sans compter sur le phénomène dont tout le monde parle depuis quelques mois : New Amsterdam. 

« Sorry, I’m not sorry Grey’s Anatomy ! » J’ai finalement succombé au charme du très pragmatique et bienveillant docteur Goodwin, délassant ainsi le romantisme du docteur Mamour. Ce n’est pas que je n’aime plus tes histoires d’amour à rallonge; ni tes réflexions quelque peu fleur bleue. Mais… Je dois le reconnaitre… Je me suis laissée captiver par toutes les leçons de leadership et de management habillement distillées entre chacune des histoires des patients du plus vieil hôpital public de New York. 

Alors, oui. Je l’assume. J’ai « bingé » cette série. 

Je sais ce que vous allez me dire : passer du temps devant Netflix est une perte de temps. 

Pourtant, je n’ai jamais été aussi productive devant mon écran que depuis que j’ai regardé le pilote de New Amsterdam. J’en ai appris plus sur la façon de gérer une équipe/la relation client en 50 min, qu’en 3 ans et demi de freelance. 

Bon, je m’emballe peut-être un peu. 

Mais l’intention y est. C’est le principal. 

Si un jour je crée mon agence, c’est exactement le type de management et de leadership que je voudrais insuffler à mes équipes. En attendant, l’attitude du docteur Goodwin est idéalement ce que j’aimerai partager avec mes clients actuels.

Après 40 épisodes, je prends ma plume pour vous partager les enseignements que je tire de New Amsterdam. Attention spoiler pour ceux qui n’auraient pas (encore) regarder la série. Pour les autres, je serai ravie d’échanger avec vous en commentaire. 

 

New Amsterdam, quésaco ?

 

Le protagoniste de New Amsterdam, le Dr Max Goodwin est un nouveau directeur médical embauché pour apporter des changements au fonctionnement de lhôpital New Amsterdam, le plus ancien hôpital public des États-Unis. Situé à New York, l’établissement est sous financé et le nouveau directeur doit modifier des habitudes solidement ancrées dans les pratiques des membres du personnel.

Un premier point particulièrement intéressant dans New Amsterdam est l’angle de la série. En effet, l’histoire ne se concentre pas uniquement sur les médecins, les patients et la façon dont un problème médical sera (miraculeusement) résolu. Au lieu de cela, l’histoire met l’accent sur un style de leadership et de management dont seul le  docteur Max Goodwin a le secret.

En regardant la série, nous découvrons les préoccupations des patients, des médecins, de la santé publique, de la diversité et de l’inclusion, et d’autres problèmes de gestion hospitalière qui nécessitent l’attention de son directeur.

 

« Comment puis-je vous aider? »

— Dr Max Goodwin à New Amsterdam

 

Voici LA question souvent posée par le Drocteur Max Goodwin et, cette dernière incarne parfaitement lessence de ce quon appelle : le « servant leadership ». Un concept de management popularisé dans les années 1970 par un chercheur et consultant, Robert K. Greenleaf qui cherchait à développer un modèle différent de celui du leadership autoritaire.

 

 

Docteur Max Godwin, un leader presque parfait ? 

 

Que l’on adhère ou pas au personnage, il faut bien reconnaitre à Max Goodwin sa qualité première de communicant, car il est cette personne capable de naturellement inspirer les gens qui l’entourent, créant ainsi un sentiment de cohésion qui incite chaque partie prenante de l’hôpital à passer à l’action. 

 

« Vous savez, nous avons tous l’impression que le système est trop grand pour changer, mais devinez quoi ? Nous sommes le système et nous devons changer. Alors, dites-moi simplement ce dont vous avez besoin, ce dont vos patients ont besoin, et je m’en fous si ce n’est pas couvert. Je me fiche que le conseil d’administration dise non; allons nous attirer des ennuis. Soyons médecins à nouveau. ”

— Dr Max Goodwin à New Amsterdam

 

Pour faire passer ce message, le docteur Goodwin n’a pas perdu de temps, puisque c’est un discours qu’il tient dès sa première réunion avec les membres de l’hôpital. De cette façon, il entre dans le coeur du système de New Amsterdam, avec la ferme intention de changer l’organisation de l’intérieur AVEC la force vive de l’hôpital : ces employés. 

Je vous vois venir… Comment ose-t-il agir de cette façon dès sa première journée à la tête de l’hôpital ? Dans la vraie vie, impossible d’adopter une telle posture au début d’une prise de poste. 

La réponse est dans la question : il ose. 

Il ose, car, comme tout bon leader, il est confiant. Tout au long de sa mission en tant que directeur de l’hôpital, il reste profondément convaincu qu’il peut mettre en place de nombreuses choses pour améliorer le quotidien de ses paires et de ses patients. Mais, il reste aussi conscient qui ne peut pas tout faire seul. Il décide donc d’emblée d’avoir confiance dans les capacités de ses employés et de le montrer en déléguant un maximum d’initiative. 

 

 

Sa confiance lui vient aussi de sa capacité à reconnaitre la valeur individuelle de chacun de ses employés. Comme dans cet épisode où un chirurgien ne peut plus opérer en raison d’un problème de santé lié à la vieillesse.

Cependant, il sait que les connaissances du chirurgien étaient irremplaçables et il est convaincu qu’il peut encore aider New Amsterdam.

Max lui demande alors de devenir le président du programme de télémédecine.

 

« C’est votre expérience qui est irremplaçable, pas vos mains. ”

— Dr Max Goodwin à New Amsterdam

 

Max Godwin n’a pas peur du changement

 

Autre qualité remarquable du directeur de New Amsterdam, sa volonté d’embrasser le changement. Avec sa position de dirigeant, il insuffle tout au long des épisodes une culture du changement pour avoir un impact durable sur la qualité de vie à New Amsterdam. Max, veut savoir ce qui doit changer et travaille dès qu’il le peut à faire évoluer le système. 

Le fer de lance de Max Goodwin : « comment puis-je vous aider ? » est en réalité une façon de demander : que voulez-vous changer ? Qu’est-ce qui ne fonctionne pas dans votre service ?  

Dans un épisode, Max s’est engagé à résoudre le réchauffement climatique à New Amsterdam en limitant l’utilisation de gants jetables et en ne servant pas de viande rouge à l’hôpital.

Dans un autre épisode, il a également tenté de renverser l’épidémie d’opioïdes.

Voilà deux exemples de la façon dont le docteur Max Goodwin modifie le système à l’intérieur et parfois à l’extérieur de New Amsterdam. Je ne vous spolierais pas plus la série, des exemples comme cela, il y en a 40 (1 pour chaque épisode). 

 

« Vous savez, je ne sais pas ce qui est pire. Des personnes dépendantes de leurs drogues ou des entreprises dépendantes de leur argent. ”

— Dr Max Goodwin à New Amsterdam

 

Sortons de la bulle de Netflix, et revenons au sein de votre entreprise : quand avez-vous prononcé ou entendu cette question pour la dernière fois ? Et si je pousse la provocation un peu plus loin : lavez-vous seulement susurrée au moins une fois ?

La question paraît effectivement élémentaire, mais la réponse sacrément compliquée, à bien y réfléchir…

En quoi puis-je vous aider ?”, cest offrir un cadeau immense en 6 mots, en donnant à celui qui les reçoit une autorisation : demander de laide, au-delà de la gêne et de la honte, de la pudeur parfois excessive, de la peur de ne pas être à la hauteur et la crainte d’être jugé.

Mais poser cette question, cest aussi prendre un engagement : endosser une nouvelle responsabilité ! Car se limiter à la question ne suffit pas. Ce serait quand même bien facile de se complaire dans la seule générosité des mots…

Proposer son aide, cest donc :

  • Se mettre en situation découter, et plus exactement de prendre le temps de bien écouter, autrement dit se placer en situation d’écoute active pour envoyer les signaux de la confiance et de la curiosité accordée.
  • Cest aider à reformuler le message qui vous est délivré, sans impatience ni critique hâtive et définitive, car il y a de bonnes raisons pour quil soit maladroit, peu clair et plein dutopie.
  • Cest enfin agir, vraiment : ouvrir son carnet dadresses, introduire et recommander auprès dun ou deux contacts clés ; proposer une mission rémunérée, sur un sujet même anodin, à un entrepreneur qui na plus ni entreprise ni ressources ; questionner ses réseaux, parler autour de soi de cette personne qui a sollicité votre aide ; cest finalement créer les conditions pour faciliter le retour de celui qui a chuté, et maximiser ses chances de réussite.

 

Max Goodwin est un « problem solver », qui n’a pas peur de l’échec

 

Agir, pour le docteur Max Goodwin, c’est souvent synonyme de résolution des problèmes. Max adore résoudre des défis et pour nourrir sa soif de challenge, il met à contribution ses employés. Comme dans cet épisode où Max demande aux employés de New Amsterdam de répondre à un sondage. 

À la lumière des réponses, il découvre que la majorité d’entre eux dinait rarement avec leur famille et qu’ils n’avaient pas assez de temps pour s’occuper d’eux-mêmes.

Sa solution ? Les autobus.

Les employés peuvent mettre leur argent en commun afin de pouvoir affréter un bus pour New Amsterdam, ce qui leur fera gagner 2h sur leur temps de trajet.

Grâce à ses deux heures gagnées, les employés peuvent dormir davantage, dîner avec leur famille et avoir plus de temps pour se détendre.

Le gain pour l’hôpital ? Des employés reposés et donc, plus productifs, limitant ainsi les erreurs administratives ou médicales. 

 

 

Alors, Max Goodwin est-il vraiment un manager parfait ? La réponse est bien évidement : non. Il lui arrive aussi de prendre de mauvaise décision. 

Retour au premier épisode où, après que Max ait renvoyé tous les chirurgiens cardiaques du New Amsterdam Hospital, il est revenu sur sa décision concernant le Dr Reynolds.

Le Dr Reynolds était un chirurgien cardiaque qui se distinguait parmi ses collègues du département comme le seul chirurgien qui avait toujours placé le bien-être de ses patients au-dessus de son salaire de chirurgien.

Max réengage le Docteur Reynolds, le promeut au poste de chef de la chirurgie cardiovasculaire et l’assure de son soutien total pour mettre en place une équipe des meilleurs et diversifiés chirurgiens cardiaques.

Max n’a pourtant pas voulu prendre une mauvaise décision. Personne ne cherche à prendre de mauvaises décisions.

Mais, on oublie bien souvent que les décisions sont prises en fonction des informations dont nous disposions à un instant T. Si plus tard ces décisions s’avèrent erronées, il ne sert à rien de culpabiliser. Le mieux que vous pouvez faire est d’informer votre équipe de votre décision et des raisons qui la sous-tendent, pourquoi c’était une bonne décision à l’époque et pourquoi elle ne l’est plus maintenant.

Soyez ouvert et honnête, votre équipe vous appréciera et vous respectera pour cela.

 

« Il faut voir la vérité pour écrire la vérité. ”

— Dr Max Goodwin à New Amsterdam

 

La qualité relationnelle est un élément essentiel pour communiquer aujourd’hui surtout dans un monde hybride où le mélange du présentiel et du distanciel est devenu notre quotidien. Et surtout où les mails et les réunions sont devenus nocifs pour l’efficacité et le bien-être de vos collaborateurs.

La qualité relationnelle : quesaco ?

La « qualité relationnelle » désigne un ensemble d’outils pour communiquer dans l’Altérité et non dans l’Adversité.
Elle a pour but de transmettre un message clair, précis et concis à tous vos interlocuteurs sans blesser ou créer des incompréhensions ou des tensions. Elle vous fera gagner un temps considérable dans l’implication de vos équipes.

Pour notre part, nous l’utilisons aussi bien dans le monde professionnel que personnel. Elle nous aide à nous faire comprendre plus rapidement et plus sereinement.

Quelle est la différence entre l’altérité et l’adversité ?

 

  • L’adversité c’est considérer l’autre comme un autre soi-même, c’est-à-dire un être identique à soi.
  • L’altérité est un concept d’origine philosophique signifiant « caractère de ce qui est autre » et « la reconnaissance de l’autre dans sa différence ». Autrement dit « l’autre est un autre différent de soi ».

Que se passe-t-il si l’on considère l’autre comme un alter ego (un autre soi-même) ?

On ne pourrait pas comprendre certaines paroles ou certains faits de son interlocuteur. On pourrait également se demander « mais comment il peut faire cela ou dire cela, ce n’est pas normal ! ».
On pourrait peut-être se sentir blesser par ses propos et/ou ses gestes. Vous l’avez compris cela apporte des déceptions, des incompréhensions et donc des tensions.

Une fois touché, vous allez peut-être juger ses faits et penser à sa place voir le contraindre avec vos choix. Ce beau package n’apportera rien de positif à part des tensions, des non-dits voir des conflits.

Pour faire simple, quand vous effectuez ces 3 comportements (penser à la place de l’autre, juger ou interpréter ses faits et le contraindre par vos choix) vous êtes dans l’émotionnel (comme nous aimons bien le dire « vous êtes situé en haut de votre montagne ») et donc plus dans le rationnel. Vous risquez donc de surréagir, vous justifier, ou surenchérir.
Dans ce type de situation, les parties n’écoutent pas pour comprendre, mais pour répondre. Cela aboutit à une conversation stérile qui n’aboutit à aucun résultat.

 

la qualité relationnelle

Comment communiquer en altérité ?

L’autre est un autre différent de soi !
Pour éviter ces tensions, nous recommandons chez AC Mentoring de considérer l’autre différent de soi avec son référentiel, ses valeurs, ses expériences et d’écouter pour comprendre avant de répondre. Ce mantra à vous répéter et à avoir en tête vous aidera à prendre de la distance avec les éléments qui vous touchent négativement et à ne pas vous justifier.

Supprimer les PIC !

Pour cela nous préconisons d’éviter :
Les prêts d’intentions : ne pas penser à la place de notre interlocuteur,
Les interprétations ou les jugements : ne pas juger ou interpréter ses faits, ses actes
La contrainte : ne pas lui imposer vos choix, vos décisions.

Le : « tu » qui tue !

Pour commencer tester le « je » plutôt que le « tu » quand vous exprimez une idée ou un ressenti. Vous allez éviter de juger l’autre. Cet outil n’est pas facile à mettre en place, mais il peut changer vos échanges, teste-le le plus rapidement possible !

Soyez factuel !

Être factuel c’est observer les faits, ce que vous voyez sans jugement de valeur de votre part.
C’est donc exprimer des faits de façon indémontrable, incontestable, que l’on ne peut pas contredire ou prouver autre chose.
J’insiste vraiment dessus, car c’est un élément très important. Exprimez-vous de façon factuelle et en utilisant le « je ».
Nous prenons systématiquement cet exemple avec les personnes que nous accompagnons, la plupart me répondent que c’est factuel tu es en retard. Testez nos propositions de la qualité relationnelle et observer la réaction de votre interlocuteur vous allez être surpris.

Posez des questions !

Au lieu de penser à la place de votre interlocuteur si vous n’êtes pas sûr du sens de sa phrase posez-lui des questions : un « comment ça ? » ou reprenez les trois derniers mots de sa phrase en mode interrogative pour qu’il puisse s’expliquer.

Remerciez votre interlocuteur :

Au lieu de vous justifier ou de surenchérir quand une personne juge vos propos ou vos actions, remerciez-la sur un ton neutre, nous insistons sur le ton neutre, car sinon la personne pourrait peut-être croire que vous vous moquez d’elle.
« Merci de l’information », ou « merci de la précision » ou « merci d’avoir exprimé vos ressentis ».
Ici le non verbal est extrêmement important, un ton neutre, pas de sourire, une voix calme et posée.

 

À retenir :

  • Un mantra que vous pouvez écrire et relire quotidiennement : « l’autre est un autre différent de moi !« 
  • Supprimez les PIC de vos conversations (les prêts d’intention, les interprétations, ou les jugements et la contrainte).
  • Utilisez-le « je » plutôt que le « tu » qui tue.
  • Soyez factuel vous permettra de gagner du temps, de la crédibilité dans vos échanges.
  • Posez des questions quand vous avez un doute sur le sens du propos de votre interlocuteur.
  • Remerciez la personne quand votre interlocuteur émet un jugement.

Pour comprendre tous ces concepts relatifs à la qualité relationnelle, nous vous recommandons le livre de Fabien EON : « J’ai décidé de faire confiance », ou bien d’écouter mon intervention sur ce sujet dans le podcast : Producdiv’You.
Une histoire qui permet de mettre en scène tous ces concepts qui un peu d’entrainement pour une application dans notre quotidien. En France, nous avons l’habitude de s’exprimer avec les jugements. Faites le test, écoutez les gens parler dans les transports ou à la machine à café et vous verrez, vous penserez à nous.

Ne testez pas tous ces outils en même temps, essayez de mettre en pratique un concept par semaine ou par mois et regardez les différences de réactions ou de comportements de vos interlocuteurs.
Au plaisir de lire vos retours ou vos commentaires sur ce sujet qui me passionne.

La résolution du conflit

 

Après de nombreuses années passées dans l’adversité, David ayant adopté une stratégie d’abandon, n’acceptant ni la résignation ni la domination par son frère, la situation nouvelle les met face à la nécessité de renouer le dialogue pour trouver eux-mêmes une solution face aux truands marseillais qui menacent leur vie.  Ils comprennent, grâce notamment à l’intercession de leur mère et des autres frères, que seul l’altérité pourra leur permettre de survivre. Grâce à l’intervention d’un des frères pour les ramener à la raison, l’esprit de solidarité fraternelle va ressurgir malgré de nombreuses tensions entre eux, et Dan, l’aîné va finalement braver le danger et sauver l’honneur de son frère. La relation qui s’orientait de nouveau vers une rupture, est finalement aménagée, et prend donc une nouvelle dimension, pas loin de la reprise. En effet, quand chacun prend conscience, à un moment donné, qu’il souhaite imposer sa solution à l’autre, et comprend alors les bonnes intentions de l’autre, ce qui permet à la situation de s’apaiser. Dan comprend que son jeune frère a utilisé l’argent volé, non pour lui, mais pour racheter la maison familiale injustement confisquée par les banques suite à la faillite du père assassiné. Les cinq frères vont alors s’unir pour défendre et venger la mémoire de leur père assassiné, en attaquant les malfrats, qui étaient aussi à l’époque à la solde de l’associé de leur père. C’est eux qui l’ont tué ! Quant à leur mère Suzie, elle survit grâce à l’apaisement de la situation, le retour dans leur maison familiale de Marseille et l’amour de ses fils. C’est presque un « happy end », mais David va périr dans l’attaque des truands, laissant la famille apaisée mais de nouveau endeuillée. 

 

Quel rapport avec une médiation en entreprise ?

Nous traitons les mêmes ressorts émotionnels et relationnels lors d’une médiation professionnelle entre deux membres d’une entreprise. Un conflit, même s’il peut se propager à une équipe, ou entre deux équipes, est généralement le fait d’une relation dégradée entre 2 personnes. Souvent la relation est devenue conflictuelle depuis des mois ou des années, et sans doute les racines du conflit remontent-elles à un événement vécu différemment par les personnes concernées.

 

Le contexte : 

Voici l’exemple d’une PME du Sud de la France, filiale d’un groupe en forte croissance, et présent dans une dizaine de pays, il met en œuvre ces dernières années de nombreuses transformations et spécialise certains sites sur la production, d’autres sur le service. La France n’y échappe pas, et le départ du Directeur Général il y a un an, à la suite d’un désaccord sur la stratégie, a fragilisé les relations des membres du comité de direction de l’entreprise française. L’ancien dirigeant souhaitait accroître la part de la production alors que le groupe souhaitait spécialiser la France sur le service et l’Italie sur la fabrication. Son départ a été simultané avec la délocalisation de la production (qui n’avait pas été annoncée par lui) et le changement de métier vers le service. 

Cette transformation forcée, la découverte de l’arrêt de l’activité de production et le départ du référent naturel ont été vécu comme un traumatisme. De plus, le management était depuis une quinzaine d’année très centré autour de ce DG, qui avait finalement assez peu autonomisé ses collaborateurs. Or, le groupe a demandé au comité de direction de travailler désormais en autogestion, ce qui a perturbé certains membres, habitués depuis toujours à avoir un référent, et créé de l’ambiguïté autour de la répartition des rôles de l’ancien DG entre les membres du Comité de Direction. 

Cela a exacerbé des tensions existantes et dégradé la qualité relationnelle entre plusieurs membres de l’entreprise, ce qui a finalement débouché sur un conflit entre deux membres du comité de direction.  

 

 

La méthodologie :

Après un entretien préalable avec chacun des 5 membres du comité de direction qui nous a permis de découvrir les points de cristallisation du conflit entre 2 personnes en particulier : la directrice commerciale et le directeur du service client. Nous avons ensuite engagé des entretiens individuels structurés avec les 2 membres en conflit. Lors de ces entretiens nous avons pu mettre en évidence les éléments suivants : jugements, prêtes d’intention, contraintes subies des 2 côtés. 

 

Les faits :

Depuis plusieurs mois, ces deux membres du comité de direction ont régulièrement des altercations. La raison évoquée lors de ces conflits est une vision différente de la conformité des commandes, qui sont régulièrement bloquées pour irrégularité par le service client, qui fait office d’administration des ventes.

Ce qui brise l’harmonie des principes relationnels de chacun :

 

L’interprétation :

Pour la directrice commerciale, le directeur du service client manque totalement de discernement sur les règles, à appliquer ou pas, par manque de compétences. Il les applique aveuglement sans relativiser ni faire de différence entre les enjeux de deux commandes très différentes. C’est donc une personne rigide, manquant de confiance en elle, et qui reporte ses frustrations personnelles sur les imperfections des commandes. C’est un tyran qui bloque tout ce qu’il peut pour se venger car il ne l’aime pas. Il fait finalement ce qui ressemble à des caprices.

Pour le directeur, la directrice commerciale est quelqu’un qui manque de respect pour les autres, mais également pour les règles. Elle est souvent amenée à faire des approximations par méconnaissance de ses clients. C’est une personne intolérante, qui s’énerve quand on n’accède pas à ses demandes immédiatement, car elle ne connaît pas bien ses dossiers et cherche à les faire passer en force. Il la juge également misandrie (n’aime pas les hommes), et peut-être même un peu raciste.

 

La légitimité de point de vue :

Le directeur pense qu’il ne fait que son devoir. Heureusement qu’il est là pour éviter les erreurs. Il applique les règles qui ont été décidées par l’entreprise, et notamment par l’ancien directeur général. Ce dernier, qui l’a recruté et formé, était réellement quelqu’un de bien. Lui il l’appréciait à sa juste valeur. La directrice commerciale doit absolument faire son chiffre. Heureusement qu’elle est là pour faire vivre tous les salariés. Elle a une grande pression du siège pour passer toutes les commandes rapidement en fin de mois. Elle ne peut pas passer des heures à finaliser tous les détails inutiles de ces règles d’un autre âge.  

 

Les remords :

La directrice commerciale sent qu’elle aurait du tout de suite demander le poste de directrice générale, cela aurait permis d’imposer sa volonté plus facilement. De son côté, le directeur aimerait bien pouvoir mieux réagir, être plus ouvert à la discussion, mais il ne sait pas comment faire.

Cela contribue à faire en sorte que chacun cherche à satisfaire ses besoins émotionnels.

 

Les conséquences :

Le directeur du service client sort de ses gonds quand on lui reproche de faire exprès de refuser les commandes ! Il ne peut pas accepter ces assertions ! De son côté, la directrice commerciale devient peut-être trop impulsive et s’emporte quand ses commandes sont bloquées et qu’on lui demande de les corriger. Les émotions se déchaînent, parfois devant les autres salariés… Ce qui fait désordre !

 

 

Les contraintes :

La réaction de la directrice, impulsive et extravertie, dérange le directeur, calme et introverti, car il se sent agressé par ces hausses de ton et ces invectives. Il n’accepte pas ce manque de respect. Il le vit comme une contrainte forte. Ce n’est pas comme cela qu’on doit se comporter. La directrice vit mal cette situation où on lui reproche des détails, où on la prend pour une élève qui n’a pas appris sa leçon. Cela lui rappelle sa maîtresse d’école de CM2 avec qui elle était en conflit à la suite d’une injustice. Elle veut pouvoir avancer vite, ramener le plus de commandes possibles, sans être entravée par une personne qui impose ses règles inutiles !

 

La légitimité d’action :

Comme il ne sait pas comment réagir aux « assauts » de la directrice, le directeur se referme un peu plus sur lui-même. Par effet de surenchère, il devient encore plus silencieux et inexpressif. C’est sa manière maladroite d’exprimer sa colère. La directrice elle, perd un peu le contrôle de ses émotions, elle qui est déjà d’ordinaire assez énergique, se met à gesticuler et à crier. Elle n’arrive pas à trouver d’autres moyens de réagir. 

 

La rancœur :

De son côté, le directeur aimerait bien retrouver la situation d’antan. Si seulement il pouvait faire appel à un directeur général pour trancher la situation, le protéger de cette énergumène. La directrice pense que l’ancien directeur général a trop centralisé le pouvoir, c’est lui qui a créé cette situation où la plupart des salariés manquent d’autonomie, et sont perdus, se raccrochant à des règles plutôt qu’à la réalité.

Pour rétablir un équilibre dans la compréhension de la situation, chacun va interpréter, prêter des intentions, subir les contraintes de l’autre…

 

Prêts d’intention :

Le directeur pense que la directrice agit comme cela car elle veut l’humilier. Comme il est un homme, il devrait se soumettre par galanterie selon elle ! C’est surtout pour faire passer des dossiers incomplets qu’elle ne sait pas corriger, et elle cherche à masquer ses insuffisances. La directrice pense que le directeur veut compenser une frustration, et fait des caprices comme un enfant. Son intention est de montrer qu’il existe et qu’il a du pouvoir lui aussi, qu’il est incontournable ! 

 

Légitimité d’intention :

Le directeur est dans son rôle de garant de la qualité des commandes et des livraisons. Heureusement qu’il est là pour assurer cette tâche ingrate ! Sans lui ce serait rapidement la débandade ! De son côté, la directrice doit absolument faire entrer un maximum de chiffre d’affaires chaque mois. La survie de l’entreprise dépend d’elle. Si elle ne le faisait pas, elle manquerait à tous ses devoirs.  

 

Le ressenti :

Le directeur sent remise en cause par la directrice qui ne reconnait pas sa légitimité et son statut de directeur. Il est manager après tout ! Elle doit lui marquer du respect ! La directrice est très frustrée de perdre du temps avec ces broutilles, elle a des choses plus importantes à faire que de devoir discuter des détails de chaque commande avec un personnel administratif tatillon ! 

 

La Rancune :

Le directeur garde de la rancune face à ces altercations et à ces attaques régulières de la directrice. Elle est fâchée contre le directeur qui fait exprès de bloquer ses commandes. Et lui en veut personnellement.

 

Photo de fauxels provenant de Pexels

Résolution du conflit

Les entretiens individuels de 2 heures ont permis de faire une première prise de conscience. 

La directrice reconnait que sa façon de procéder et son impulsivité son certainement très contraignante pour le directeur, qui préfère analyser les points en détail et au calme, quand elle agit plutôt dans l’instant. Elle pense qu’elle pourrait travailler sur elle-même pour mieux écouter les explications et tenter de comprendre un peu plus les reproches qui sont faits concernant le non-respect des procédures.

Le directeur dit que sa manière d’être assez intransigeante et à cheval sur les règles est peut-être mal interprétée. Il reconnaît à demi-mot qu’il ne peut réellement envisager une autre manière de faire que la sienne, et que c’est peut-être une limite dans le dialogue avec la directrice. Il préfère l’écrit, elle préfère l’oral. 

Une fois cette prise de conscience faite, la redescente émotionnelle de chacun a permis de les réunir pour une médiation conjointe. Là, grâce à l’accompagnement du médiateur garant du cadre de sécurité et du respect des règles relationnelles établies par les personnes concernées, un aménagement de la relation professionnelle a pu avoir lieu. Un modus operandi a été décidé par les deux personnes. Cela leur a permis de travailler ensemble, puis, avec un peu de temps, de mieux s’apprécier, et de reconstruire une nouvelle relation. Au bénéfice de toute l’entreprise. 

 

Lire la 1ère partie.

Conflits juridiques, techniques, relationnels… Que faire pour retrouver un climat apaisé en entreprise ? De plus en plus de chefs d’entreprise font appel à la médiation professionnelle. Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, Cyril Ogée revient sur les origines d’un conflit avec l’analyse d’un conflit fictif au sein d’une œuvre cinématographique, celle d’Alexandre ARCADY, « Comme les 5 doigts de la main », film sorti en salles en 2010, avec Patrick Bruel, Vincent Elbaz, Pascal Elbé, Eric Caravaca, Mathieu Delarive. Le cinéaste a également signé les films « Le grand pardon » en 1982, « Dernier été à Tanger » en 1987 et « L’union sacrée » en 1989 : il traite souvent des relations familiales dans ses films et explique pourquoi celles-ci remplissent un rôle central. C’est en retrouvant une photo de son enfance où l’on voit ses frères et lui alignés, par ordre de grandeur, qu’il a eu envie de parler de cette histoire. Avec cette photo, l’émotion était là, tout d’un coup, remontée à la surface : « La famille est notre socle, et quels que soient les conflits, les différences, seule la famille donne un ancrage véritable. Mai 68 a fait éclater la notion de famille, mais avec le temps, on y revient, il n’existe rien de mieux contre la solitude que la famille ». Il s’agit d’une histoire tournant autour de la relation conflictuelle entre deux frères, issus d’une famille par ailleurs unie. Les racines du conflit remontent à la disparition du père lors d’un accident de voiture étrange.

 

Les 12 racines d’un conflit

 

1. Les faits :

L’aîné, Dan (Patrick Bruel) dirige un restaurant. D’ailleurs, il dirige aussi un peu la famille. Il a repris le rôle du patriarche avec trois de ses frères : Jonathan (Pascal Elbé), le pharmacien nerveux, le plus religieux et doux des frères, qui tient aux valeurs de la famille ; Julien (Eric Caravaca), professeur, un peu décalé par rapport aux autres ; Michael (Mathieu Delarive), le chien fou qui brûle son existence et son argent au poker. Le cadet David (Vincent Elbaz), est l’élément turbulent de la fratrie, qui a suivi la voie du banditisme, et avec qui les liens sont coupés depuis longtemps et les relations compliquées. David, qui s’est en effet éloigné de la famille depuis de nombreuses années et réapparaît brusquement apportant avec lui un lourd secret : leur père aurait été assassiné !  Il est poursuivi par un clan marseillais et vient d’être blessé par balle. Il a en effet dérobé une importante somme d’argent à Samy BOBAN, un trafiquant de drogue gitan, prêt à toutes les violences pour récupérer son magot. Les relations conflictuelles entre frères refont alors surface. Les relations se sont dégradées il y a une quinzaine d’années lorsqu’ils étaient adolescents. Le conflit entre les frères porte notamment sur la mort de leur père lors d’un accident de voiture. David qui était dans la voiture et avant 11 ans, est persuadé qu’il s’agit d’un meurtre. Ils se sont séparés un jour sur une dispute où David, adolescent, avait cassé une assiette sur la tête de son frère. Ils doivent maintenant apprendre à s’apprivoiser et coopérer pour se défendre face à l’ennemi commun. Ce qui ne va pas aller sans heurt.

 

2. L’interprétation : 

Dan pense que David n’a jamais accepté la mort de leur père et qu’il invente une histoire pour retrouver une certaine harmonie. Selon ce dernier, son père n’aurait jamais pu avoir un accident sur une route droite. Pourquoi un pneu neuf aurait-il explosé soudainement ? Dan, c’est le fils qui « a réussi », et qui n’a jamais compris pourquoi son jeune frère s’est enfoncé dans le banditisme. Il est devenu un peu le chef de famille, mais David a du mal à accepter ce rôle, car il juge que Dan égoïste et sans cœur. En effet, il l’a rejeté adolescent alors qu’il aurait eu tant besoin de son frère. David pense que son frère Dan ne souhaite que sa réussite personnelle et est très satisfait d’être le nouveau chef de famille, rôle qui revenait avant à leur père. C’est donc un usurpateur ! David ne supporte non plus que son frère Dan dise de lui qu’il n’est qu’un bon à rien, qu’il n’a pas de courage, et a préféré la délinquance plutôt que d’affronter la vie. Il pense donc que son frère Dan le méprise. Dan pense que son petit frère n’a jamais accepté la mort de leur père, étant très jeune, et reporte sa souffrance sur son grand frère. Il pense que c’est « un faible » qui n’a pas su surmonter cette épreuve, et a sombré dans la « facilité » du banditisme. 

 

3. La légitimité de point de vue :

Dan, en tant que « chef de famille », souhaite maintenir une vie de famille « tranquille », et veut donc conserver ce confort. Il considère son rôle de chef de famille comme logique car il est l’ainé. C’est son devoir. Et son rôle est par conséquent de maintenir l’harmonie entre les membres de la famille. Comme il ne comprend pas pourquoi son frère a choisi la délinquance, et il lui en veut d’avoir « abandonné » la partie et d’avoir déserté la famille. David se bat pour trouver la vérité et comprendre qui sont les assassins de leur père. Il a volé l’argent d’un casse pour racheter la maison familiale, celle où il a tous ses souvenirs heureux avec ses frères et ses parents. Il agit donc pour le bien de la famille.

 

 

4. Les remords : 

Tous les deux souffrent de cette situation et on voit bien qu’ils nourrissent des remords car ils aimeraient retrouver leur famille unie comme avant. David a du remord quand il repense aux scènes de conflit avec son grand frère Dan, dont il n’acceptait alors pas l’autorité, trouvant injuste que leur père ait disparu si tôt. Il avait alors l’impression qu’il voulait remplacer ce père tant aimé. De son côté, Dan pense qu’il n’a pas réussi à éviter le départ de David. Il sent qu’il a une part de culpabilité dans cette situation. Qu’il aurait dû le traiter avec plus d’amour et de bienveillance, étant plus jeune. Il ressent donc un certain remord.

Tous ces éléments contribuent à créer des émotions et des ressentis chez les personnages qui cherchent à préserver leur harmonie interne en trouvant des explications à ce qu’ils ne comprennent pas pour réduire l’ambiguïté et l’incertitude.

 

5. Les conséquences :

L’arrivée de David commence par mettre Dan dans un état de grande nervosité. Il se met en colère. Il se fâche contre son frère « qui est la cause de tous les problèmes ». Dan s’écrit quand il réapparait, blessé : « c’est un cauchemar ce frère » ! De son côté, David rumine et vit mal cette situation, car il est obligé d’accepter cette domination par son frère, étant blessé et devant donc se soumettre provisoirement. Mais dès que sa santé s’améliore, il se rebelle et se révolte contre les prêts d’intention, les jugements et les contraintes que lui envoie son frère.

 

6. Les contraintes :

David contraint son frère en revenant à Paris et en semant le trouble et la peur, ses poursuivants menaçant toute la famille. Il est obligé d’intervenir pour rétablir l’ordre pour éliminer la menace. Le fait que David ait volé ses « associés » dans un casse, pour une raison qu’il ne comprend pas, l’oblige à sortir de son confort habituel. Il vit donc très mal cette contrainte. De son côté, Dan contraint son jeune frère en lui imposant un rôle de leader, en lui demandant de repartir alors qu’il souhaite révéler à la famille les conditions suspectes de la mort de leur père. Il le contraint en jouant le rôle de « parrain », de chef de famille. David n’accepte pas de se soumettre à cette autorité. Dan contraint aussi David à vivre sans celle qu’il a jadis aimé, devenue l’épouse de son frère ainé, et pense que Dan lui a donc « volé » cet amour quand il avait l’avantage de l’âge. Très jaloux, Dan contraint sa femme, en lui téléphonant sans cesse pour savoir où elle est, ce qu’elle fait. Ce phénomène s’exacerbe lors du retour de David, car Dan est persuadé qu’elle est toujours amoureuse de son jeune frère. Cette altercation entre les frères, qui vire de nouveau à la bagarre physique, contraint toute la famille qui subit ce conflit, et rend leur mère malheureuse. Un des frères s’écrit à ce moment-là « mais vous allez arrêter ! Cela va durer toute votre vie cette putain d’histoire ?! », faisant référence à la bagarre et l’assiette cassée.

7. La légitimité d’action :

Pour David, son père a été assassiné suite à une affaire de corruption dans un projet immobilier. La mort de son père a ruiné la famille, et sa mère à du revendre la maison de famille. David a donc utilisé l’argent volé pour racheter cette maison située en bordure de mer, à Marseille. C’est le seul moyen qu’il a trouvé pour retrouver l’ambiance de l’époque de son enfance, pour satisfaire son besoin, pour retrouver l’amour de ses parents. Son action n’était pourtant pas sans risque ! Et les membres de la famille ont du mal à accepter cette maladresse… Dan, en tant qu’ainé, a toujours pensé protéger sa famille en faisant preuve d’autorité, notamment vis-à-vis du turbulent David. C’est le seul moyen qu’il a trouvé pour satisfaire son besoin de stabilité. Il a donc toujours pris les actions qu’il considérait comme nécessaire pour éloigner la famille des anciennes histoires marseillaises de son père, et par la même occasion sa femme de son frère cadet, tous ont donc déménagé à Paris, au grand dam de David.  Et la réaction de Dan vis-à-vis de David est sans doute une maladresse, car il n’a pas su faire autrement. 

 

8. La rancœur :

Dan n’aime pas que David dise qu’il est persuadé que son père a été victime d’une machination et a été assassiné. Il croit qu’il s’agit d’une invention de son frère pour nuire à la famille, suite à la rancœur qu’il garde de la situation : il était dans la voiture lorsque l’accident a coûté la vie à leur père. Et le grand frère Dan, garde en lui une rancœur sur les différends qu’il a eu avec ce frère étant plus jeune. Car au fond, il aime toujours ce frère cadet qu’il avait protégé plus jeune. Les relations que le cinéaste a eus pendant son adolescence avec son frère cadet, Elmer, ont été également difficiles. Ils étaient aussi dans l’opposition. La cicatrice que Patrick Bruel (Dan) porte sur le haut du sourcil, est la même que celle qu’Alexandre ARCADY porte sur le front, et l’assiette casée que Dan évoque dans le film, a bien existé… Cette part de réalité donne à l’histoire une sorte d’émotion, selon les termes mêmes du cinéaste. 

Tous ces éléments contribuent à la satisfaction des besoins émotionnels des personnages.

 

9. Le ressenti :

Dan est mal à l’aise avec cette situation, car il sait qu’il a trop longtemps ignoré son frère, et décidé d’oublier le passé, faisant finalement « l’autruche » plutôt que de faire face. En effet, il savait que ce jour arriverait, et se sent coupable de n’avoir pas eu plus de courage pour l’affronter avant, et se sent en même temps soulagé de devoir en passer par l’action pour résoudre la situation et le conflit fraternel. David ressent de la peur face au danger que représente les mafieux pour se famille, mais aussi de la colère, ayant un sentiment d’injustice quand il voit la réaction de son grand frère. Également, quand il repense à l’accident, il a un sentiment de haine et de vengeance pour ceux qui ont tué son père, et pour ses poursuivants. 

 

10. Les prêts d’intention :

David croit que son grand frère Dan le considère comme responsable de la mort de son père, car il était avec lui lors de l’accident. De plus, les deux frères ont aussi un différend amoureux. En effet, David considère que son grand frère lui a volé la femme de sa vie, en l’épousant. Cela ajoute un prêt d’intention de Dan vers David : il vient certainement lui reprendre sa femme. Il lui prête aussi l’intention de ne pas accepter ce retour de peur qu’il ne devienne aux yeux de sa mère « l’enfant prodige ».  Il ne veut sûrement pas du retour du fils « maudit », le Georgio de la chanson « La Mama » d’Aznavour. Dan pense lui que son frère David vient volontairement mettre la zizanie, alors que lui souhaite garder une famille soudée.

 

 

11. La légitimité d’intention :

La seule volonté de Dan est de protéger la famille et d’endosser le rôle d’ainé. C’est son devoir, il se sent donc légitime dans ce rôle, ayant une bonne intention centrée sur lui-même. Dans ces conditions, il est donc normal qu’il ait voulu « cadrer » son frère David, le petit rebelle de la famille. C’était pour lui rendre service. Qui l’aurait fait sinon ? De son côté, David veut redonner son ancien éclat à la famille en lui permettant de retrouver sa maison familiale perdue. Il se bat pour faire éclater la vérité sur la mort de son père, injustement assassiné par des malfrats, à la demande de son ancien associé. Ces mêmes malfrats à qui il a volé l’argent et sont à sa poursuite. Il se sent donc légitime dans ce rôle, ayant une bonne intention centrée sur lui-même. Dans ces conditions, il est donc normal qu’il ait voulu voler l’argent du « casse » pour racheter la maison. C’était pour rendre service à la famille. Qui l’aurait fait sinon ? Étant le dernier à avoir vu son père vivant, il souhaite régler personnellement leur compte à ceux qui ont fait cela. 

 

12. Rancune : 

Dan a gardé de la rancune pour ce frère turbulent, qui mettait en doute son autorité de frère ainé. Il estime aussi que David et sa femme sont toujours amoureux, et il en a gardé une grande jalousie envers son épouse. Cela nourrit sa rancune à l’égard de son frère David. David de son côté ne supporte pas que son frère Dan l’ait chassé de la famille, car il considère que c’est à cause de lui s’il a sombré dans le banditisme et fait de la prison. Il garde donc de la rancune envers Dan. Ce n’était pas à lui de jouer le rôle de ce père qui lui manquait tant !

Tous ces éléments contribuent à rétablir l’équilibre émotionnel des personnages. 

 

Lire la 2ème Partie.

LE LEADERSHIP : UN ITINERAIRE DU SINGULIER AU COLLECTIF

 

Considérons ces notions de « Leader » et de « Leadership » sous l’angle d’une aventure humaine, d’un itinéraire, fait de passions, de rencontres, et de hasard, sans oublier le passage au magasin des accessoires.

 

Savoir donner avant de recevoir

Alors, cet « état affectif intense et irraisonné », ce « penchant vif et persistant » (la passion selon Larousse), est-il nécessaire pour révéler le leader qui est en vous ? Dans la mesure où le « leader » est « une personne qui a de l’influence sur les autres, au point de leur donner envie de le suivre » (Meryem Le Saget), une généreuse dose de cet ingrédient me paraît nécessaire pour plusieurs raisons :

  • la première est qu’il est rare d’arriver à mobiliser votre énergie, à fortiori celle d’autres personnes, à propos d’un sujet qui ne vous intéresse que modérément. 
  • La seconde est qu’il est tout aussi rare de vouloir partager avec d’autres les différents aspects dudit sujet, sur lequel vous êtes plutôt tiède.
  • La troisième est qu’il est probable que vos compétences, en ce qui le concerne, soient à l’image de cette tiédeur, c’est-à-dire superficielles et parcellaires. 

Or, que vous soyez passionné de vol à voile, d’histoire, d’ingénierie financière, de la France, de service au client, que-sais-je encore, que serait-ce sans le partage, sans la transmission de ce que cela évoque en vous ?

Mais, me direz-vous, il est tout à fait possible de vivre ses passions (pas toutes) en solitaire ! Certes, mais dans ce cas, cela exclut le partage et mène à l’égoïsme voire à la prédation. On prend mais on ne donne rien. Auriez-vous envie de suivre une personne affichant ce type de comportement ? Pas vraiment, n’est-ce-pas ? Moi non plus. Adieu leader et leadership ! 

Parce que cette passion pour un ou plusieurs sujets spécifiques ne mène au leadership (la mise en pratique du comportement de leader) que lorsqu’elle est fondée sur une autre passion fondamentale : celle de l’autre. Celle qui pousse au partage, à la transmission, de façon, même modestement, à faire grandir l’autre, celui-ci étant une personne, une équipe et parfois bien plus encore. 

Ainsi débute un premier cercle vertueux, car « ce que vous donnez à une personne déborde dans les vies d’autres personnes que celle-ci influence » (John Maxwell). 

Savoir obtenir la confiance de ces collaborateurs

Donner, c’est considérer que l’autre est important pour vous, que vous le respectez. Partager, c’est établir une relation par une mise en commun, celle de votre passion. Vous donnez une place à l’autre dans votre histoire. Ainsi débute un second cercle vertueux, celui de l’obtention de la confiance de l’autre, qui à son tour, vous donnera une place dans son histoire. 

Auriez-vous envie de suivre… ? Oui, il y a de grandes chances, n’est-ce pas ? Moi aussi. Je considère la confiance réciproque comme la synthèse pratique des autres caractéristiques du leader, dont on croisera quelques exemples au cours de ces lignes. 

Ce qui m’amène à l’idée de rencontre. J’en privilégierai une, qui participe de l’apprentissage, voire de l’initiation et en partagerai avec vous ce que j’en ai retenu : celle de mon chef de section lors du Service National. Le souvenir de cette rencontre a accompagné toute ma vie professionnelle, voire plus.

Je vous emmène dans le Maine et Loire, nous sommes en février, il est 5 heures du matin et il fait nuit noire. Vingt-cinq jeunes gars, dont votre serviteur, sont fins prêts à partir pour une marche d’orientation d’une trentaine de kilomètres, avec cartes, boussoles et paquetage intégral. Nous connaissons l’usage de chaque chose. Cinq d’entre nous doivent conduire cette marche à tour de rôle. L’objectif est clair : rallier avant 17h le lieu de campement (qu’il faudra installer bien sûr) où nous passerons la nuit. On s’organise. Nous savons qu’en cas d’incidents ou blessures, des camions interviendront. Sinon, la consigne est simple : nous partons à vingt-cinq, nous arrivons à vingt-cinq. Notre chef de section, appelons-le le lieutenant L., est avec nous. Il nous a prévenu, il n’interviendra pas. 

Faux : il l’a fait une fois. Quand l’un de nous, après un bon kilométrage, a posé son sac, s’est assis par terre et a dit : « J’arrête, j’attends le camion ». 

Pause (bienvenue) pour tout le monde. Le lieutenant L. prend à part notre camarade découragé, lui parle quelques minutes en tête à tête, ramasse son paquetage en plus du sien, et tout le monde repart, y compris notre ami fatigué. Je vous fais grâce des détails pittoresques de la marche, du montage du camp, pour arriver au « debrief » : la morale de l’histoire selon le lieutenant L. 

En voici les points saillants, pour les « élèves leaders » que nous étions :

  • Atteindre l’objectif / réussir la mission. Avant, on en parle, les membres de la section en parlent entre eux, le leader parle à chacun.
  • On part à vingt-cinq, on arrive à vingt-cinq. On ne laisse personne en chemin.
  • On donne les moyens, on n’interfère pas.
  • On rappelle l’objectif quand le besoin s’en fait sentir.
  • On ne traite pas les difficultés d’un membre de l’équipe en public.

Vous y trouverez en filigrane et entre autres, passion pour la mission, passion pour les hommes, liberté d’action pour ceux qui font (« rendre capable de »), confiance (avant même de savoir si nous étions vraiment capable d’aller jusqu’au bout). J’insiste : donner cette confiance est fondamental, cela veut dire croire en vos commensaux avant qu’ils aient du succès, parfois avant qu’eux-mêmes croient en eux. Rare, mais quand vous en êtes le récipiendaire, l’élan donné est incomparable.

La construction du comportement de leader

Ainsi commence un troisième cercle vertueux, celui de la construction d’un comportement de leader. D’autres principes peuvent avec justesse concourir à cette construction. J’ai choisi ceux qui ont guidé mon action. Comprenez aussi : ceux auxquels je me suis raccroché par gros temps.

Un mot maintenant sur le hasard et les circonstances. Ou plutôt quelques questions :

1/ Croiserez-vous des sujets, thèmes etc. qui provoqueront cette transe passionnelle dont je vous entretenais plus haut ?

2/ Si oui, voudrez en faire le point de départ d’un partage, d’un projet, de quelque chose de plus grand que vous ?

3/ Rencontrerez-vous des personnes avec qui partager / qui désireront partager cette passion ?

4/ Rencontrerez-vous des personnes qui vous inspireront ?

5/ Les circonstances se prêteront-elles à l’expression de votre passion, de votre leadership ?

6/ Y-a-t-il la moindre chance que tout ceci se produise en même temps ?

6/ Et je pourrais continuer longtemps. 

Réponse à ces questions : aucune idée, le hasard étant « une circonstance de caractère imprévu et imprévisible » …à moins de l’aider un peu :

  • En étant curieux et à l’affut, en vous saisissant de projets, de problématiques, en particulier ceux et celles qui attirent peu de monde (exemple pour ma part : plans pandémies, plans de continuité d’activité. J’avoue qu’ouvrir cette boîte de Pandore m’a passionné). 
  • En décidant de donner corps vous-même à la passion, ce qui constitue une réponse à la question 2/ ci-dessus. 
  • En bossant sans compter vos sujets de prédilection pour être en mesure de mettre en pratique et partager vos compétences et connaissances. En bossant sans compter votre culture générale pour (re)mettre celles-ci en perspective autant de fois qu’il le faudra.
  • Essayez et vous verrez bien.

Passions, rencontres, hasard, circonstances, comment être prêt lorsqu’une conjonction de tout ou partie de ces éléments se présente, provoquée ou non ? C’est le moment d’aller explorer le magasin des accessoires. Je n’ai pas la réponse à la question « est-on leader né, ou devient-on un leader » ? Mais on peut toujours se préparer et s’améliorer. S’abstenir ici dans le doute n’est pas de mise.

Reprenons le débrief de mon lieutenant préféré, en y mentionnant pour chaque rubrique les accessoires / outils à considérer (liste non exhaustive) :

1/ Atteindre l’objectif / réussir la mission.

  • Travaillez votre mission professionnelle, celle de votre entreprise, de votre service. Le « Pourquoi » cher à Simon Sinek peut vous y aider.
  • Définissez des objectifs Spécifiques, Mesurables, Atteignables, Réalistes, Temporels (SMART).

2/ Avant, on en parle, les membres de la section en parlent entre eux, le leader parle à chacun.

  • Communiquez ces objectifs en mettant à profit les techniques de la Qualité Relationnelle (Expliquer / Montrer / Impliquer).
  • Provoquez le feedback.
  • Définissez en équipe / rappelez les rôles de chacun.

3/ On part à vingt-cinq, on arrive à vingt-cinq. On ne laisse personne en chemin.

  • Travaillez, exprimez et formalisez les valeurs qui vous animent et celles que choisiront vos équipiers, partenaires tout au long de la collaboration.

4/ On donne les moyens, on n’interfère pas.

  • Travaillez sur l’adéquation des moyens aux objectifs (formations, budgets, ressources humaines en nombre et en compétences). Les techniques de gestion de projet et de résolution de problèmes sont ici très utiles.
  • Approfondissez les techniques de définitions des priorités et de gestion du temps. C’est un bon point de départ pour organiser la délégation. Ceci marche de pair avec la définition des rôles.

5/ On rappelle l’objectif quand le besoin s’en fait sentir.

  • Voyez 1/ et 2/ ci-dessus.
  • Recourez à la Communication Non Violente (CNV).

6/ On ne traite pas les difficultés d’un membre de l’équipe en public.

  • Voyez 1/ 2/ 3/ 5/ ci-dessus.
  • Recourez à l’écoute active.
  • Pensez au Mentorat individuel (guide, accompagnement et formation) dont l’un des mantras est « essayez donc ça ».

Les outils sont des auxiliaires précieux, à adapter aux situations rencontrées. Ils ne remplacent pas les fondamentaux exprimés plus haut, ni le bon sens. Inspirez et faites confiance. Et prenez-y plaisir.

Bon voyage.

 

Crédit photo de couverture : Denise Jans sur Unsplash 

« Le chef parle toujours en dernier » : petit traité de leadership par Olivier Zara

 

Dans cet ouvrage publié en 2021, Olivier nous livre un condensé du leadership en 60 pages. Une lecture qui peut se faire en moins d’une heure !

Voilà un modèle de concision bien pratique qui n’est pas sans rappeler les ouvrages de Spencer Johnson ou Kenneth Blanchard… Le livre propose une petite partie théorique et des outils concrets pour se mettre en action. 

Tout d’abord, le premier constat est que la parole du leader ou du manager peut utilement se faire rare pour éviter de brider les idées et interventions des membres de l’équipe. En effet, il existe de nombreuses raisons pour lesquelles les équipiers n’osent pas s’exprimer sur un sujet : peur de proposer une idée, introversion, conflits latents, soumission au leader d’opinion, peur d’une réaction malveillante…

Apprendre à se taire est donc un premier pas pour mieux exercer son leadership. C’est une condition pour permettre aux idées d’émerger…

 

Crédit photo : Andrea Piacquadio provenant de Pexels

 

Ensuite, pour mobiliser toutes les intelligences lors de réunions, Olivier rappelle qu’il existe un outil extraordinaire encore assez peu utilisé : les échanges écrits via des outils numériques (plus pratiques à exploiter qu’un mur de post-it). Hybrider les idées dans les réunions avec une première étape utilisant un mur digital (un simple forum de discussion) puis des échanges oraux structurés (un débriefing du contenu produit à l’écrit) permet d’obtenir une richesse bien plus grande que de simples échanges oraux.

Pour augmenter la puissance de toutes les réunions, peu importe la méthode utilisée, ce livre propose 9 principes :

 

  • Distinguer ce qui est complexe, compliqué et simple. Lorsque nous sommes dans une situation où la notion n’est pas évidente, lorsque l’on sent qu’on peut se tromper (incertitude, complexité), il est nécessaire de multiplier les angles de vue, de rassembler des expertises complémentaires, diversifiées en mode intelligence collective afin de déterminer les raisons qui nous poussent à agir (l’intention, le Pourquoi) ou la direction à prendre (le Sens). Lorsque la situation est compliquée, nous pouvons trouver une solution avec une expertise pointue (un ou plusieurs experts d’un même domaine) afin de déterminer la meilleure manière de faire, le Comment. Enfin, les situations simples nécessitent les méthodes bien connues de productivité propres à l’excellence opérationnelle pour savoir ce qu’il faut faire, le Quoi. Ce premier principe permet de déterminer qui sera invité dans la réunion.

 

  • Co-construire avec ceux qui vont être impactés par la décision, en déterminant les parties prenantes touchées par le sujet et les liens entre les dimensions du sujet. Cela va au-delà de la collaboration. Il s’agit de coopérer, c’est-à-dire d’hybrider des idées, en croyant à l’intelligence de l’autre. C’est en co-construisant qu’on s’assure de déterminer la bonne direction à prendre, de bien gérer les risques décisionnels en réduisant l’impact des biais cognitifs. 

 

  • Le leader ou le manager (le chef) doit parler en dernier pour échapper au biais cognitif dit d’autorité : les idées du chef deviennent mécaniquement meilleures que celles de ses collaborateurs !

 

  • Permettre l’hybridation des idées en laissant à chacun la possibilité de s’exprimer (à l’oral par des tours de table, à l’écrit par des « sprints » digitaux) et en laissant le temps agir. En écoutant les idées des autres, on pense à de nouvelles idées, on « rebondit » et cela génère de nouvelles idées. Il est important d’écouter réellement, et non de penser à ce qu’on va dire. Des échanges régis par la bienveillance permettent de libérer les meilleures idées.

 

  • S’assurer que la parole est réellement distribué pour éviter que seuls les extravertis monopolisent la parole et fassent disparaître les idées des autres moins à l’aise. Inutile d’avoir de la diversité ou les bonnes personnes autour de la table si on ne peut pas leur garantir qu’elles pourront s’exprimer. La technique du tour de table (à l’oral) ou du sprint digital (oral puis écrit) sont les seules méthodes qui offrent cette garantie.

 

  • Apprendre à se taire… surtout quand on a quelque chose à dire ! Se forcer à écouter d’abord. Même si c’est dur, c’est tellement plus riche, car on va utiliser les idées entendues pour améliorer la nôtre !

 

  • Faire preuve de bienveillance en interdisant la critique et en favorisant la divergence. Il s’agit de créer un espace d’échange sécurisé. Je vais beaucoup moins m’exprimer si j’ai peur d’être critiqué publiquement. 

 

  • Rester humble. Surtout quand le sujet est complexe, quand personne ne sait avec certitude ce qu’il faut faire. Il faudra tester les solutions et on ne saura pas tout de suite si elles étaient bonnes… Cela demande une compétence rare : avouer qu’on ne sait pas, se montrer vulnérable. 

 

  • Se sentir en sécurité dans le groupe, développer la confiance. L’humour est un des moyens d’y parvenir, mais le succès sera total si on y ajoute la bienveillance, la connaissance mutuelle, une vigilance sur les passagers clandestins et surtout si le chef parle en dernier.

 

Vous vous sentez submergés par tant de principes ? Pas de problème, vous pouvez commencer par un seul principe et attaquer les suivants un par un : la politique des petits pas vous mettra sur la voie du succès. Quand vous aurez prouvé  que cela fonctionne, cela donnera envie aux autres de vous suivre. Ainsi, le changement pourra infuser petit à petit dans l’organisation, tel le thé dans la théière…

Voilà, si vous souhaitez approfondir les outils et principes de l’intelligence collective développés par Olivier Zara dans cet ouvrage, il ne vous reste plus qu’à le commander sur Amazon, ou en version ebook sur Axiopole.com et vous faire des fiches pratiques !

L’entreprise libérée a-t-elle entamé sa première mutation ? Quelles sont les conséquences sur le management ?

 

En 2014 (2015 pour la version française), Laloux, ancien consultant chez McKinsey, publie Reinventing Organizations, où il présente les « entreprises opales » comme le stade le plus évolué de l’entreprise libérée. Le regard de Laloux sur les organisations est porteur de trois idées majeures : l’autoorganisation (self-management) des individus et des équipes, à la manière des cellules et des organes qui ont leur fonctionnement autonome ; la prise en compte des individus dans toutes leurs facettes (wholeness), en intégrant autant que la raison, la force et la détermination actuellement valorisées, d’autres facettes comme la vulnérabilité, les émotions ou l’intuition ; une raison d’être évolutive (evolutionary purpose), qui se révèle en se mettant à l’écoute de ce que l’organisation veut devenir et servir, mais qui ne se définit pas a priori en vue de l’atteindre. Quels sont les conséquences de cette évolution sur la management d’aujourd’hui ?

Organisations « opales » : le nom moderne de l’entreprise libérée ? 

Selon Peter Drucker, « le management est différent du leadership, le management consiste à bien faire les choses, alors que le leadership consiste à faire les bonnes choses ».

Cette forme d’organisation repose sur moins de management, et plus de leadership. Voilà pourquoi Fréderic LALOUX parle de réinventer les organisations grâce au leadership dans son livre intitulé « Reinventing Organizations », référence des entreprises opales.

Selon l’auteur, qui a étudié en détail douze organisations pionnières pour la modernité de leur gouvernance, il est souhaitable de mettre en place une liberté de décision à tous les niveaux de l’organisation. La seule condition est que chacun s’engage à vérifier l’impact de sa décision sur les autres, en demandant à tous les acteurs concernés leur avis avant de mettre en œuvre l’action. Il analyse les grands stades d’évolution de la gouvernance depuis l’origine de l’Homme, en y associant des couleurs (inspiré par le modèle de la spirale dynamique). Les premières entreprises à devenir “opales” auront plus de chance de s’adapter rapidement. Là aussi, la définition de la raison d’être partagée de l’organisation est un préalable. L’organisation se fait en petites équipes autogouvernées comme Buurtzorg, une société de service à la personne ayant 14 000 collaborateurs, où les équipes de 10 infirmièr(e)s sont autonomes et travaillent en réseau avec les autres équipes. Le siège ne comprend qu’une cinquantaine de personnes seulement.

Buurtzorg, Patagonia, Morning Star, Sun Hydraulics Corporation, AES, RHD, Sogilis, Officience, W.L Gore (qui a créé le Goretex et fonctionne en auto-gouvernance depuis sa création dans les années 1950), et d’autres entreprises sont considérées comme appartenant à cette « mouvance opale ».

Dans les entreprises opales, les employés n’ont pas toujours de poste précis attitrés. Ils ont a minima une collection de rôles. Chez Morning Star, le travail est cyclique (il dépend de la saison de la récolte des tomates). Ainsi les définitions de rôles se font essentiellement sur un cycle annuel. Chaque rôle est défini par une « Collegue Letter of Understanding » qui est une description de mission personnelle (une fiche de rôle). Il n’est pas rare de voir une personne qui tient 20 rôles différents. Les personnes acquièrent de l’expérience avec les années et leurs collègues leurs attribuent ainsi des nouveaux rôles plus complexes ou plus nombreux. 

Des exemples vivants et français. 

Duc HA DUONG a fondé l’entreprise Officience en 2006 au Vietnam.  Cette société de services informatiques franco-vietnamienne compte aujourd’hui plus de 300 salariés. En 2013, l’entreprise fait le choix de devenir une tribu sans hiérarchie, sans managers, sur le mode des entreprises opales. Pourquoi ce choix ? À la suite des difficultés managériales rencontrées avec l’équipe locale au Vietnam, et pour faire face à la crise et unir leurs forces, ils éprouvent le besoin de comprendre les motivations profondes de chacun d’eux. Duc décide avec ses associés de définir la raison d’être. Sont cités le développement durable, la confiance et une vision du monde partagée par la « tribu ». Sont alors entérinés dans une charte les finalités suivantes : développer le Vietnam, encourager la mondialisation positive, créer de la valeur partagée, penser et agir durable et partager le savoir. Les associés décident de se séparer de certains managers qui ne partagent pas ces valeurs.  Ils étaient en fait à l’origine des problèmes en ayant un management très hiérarchique, accordant peu d’autonomie aux équipes, limitant l’innovation et surtout la prise des bonnes décisions. À la suite de la lecture du livre « Reinventing Organizations » de Frédéric LALOUX, Duc propose de simplifier l’organisation par la mise en place d’une hiérarchie basée sur le leadership. L’entreprise se redresse très rapidement, ce management libéré soulage les salariés, la hiérarchie leur pesait, ils s’engagent dans une culture commune.

Christophe BAILLON a fait pareil chez SOGILIS, l’entreprise qu’il a fondée en 2008. Ses logiciels sur-mesure tendent vers le zéro défaut avec un très faible coût de maintenance à long terme. Pourquoi ce choix d’un management libérant ? Car chez SOGILIS, les initiatives stratégiques viennent des employés, pas de la direction. Au démarrage, fruit d’une discussion entre salariés à la machine à café, l’idée de la vidéo automatique via un drone est approfondie. Les salariés lancent une campagne de financement via Kickstarter, avec succès. Constatant l’intérêt d’encourager les innovations pensées par les salariés, Christophe adopte un management libérant. Chacun prend les décisions adéquates après avoir consulté les personnes impactées. Pourquoi ce modèle d’organisation est-il disruptif et innovant ? Autonomie, efficience, passion, enthousiasme du client, épanouissement des salariés, recrutement par les équipes, entretiens individuels, Lean. Ce sont les équipes qui ont poussé l’entreprise à investir à Grenoble, Lyon, Melbourne, Paris et même à créer de nouvelles pousses : Squadrone Système (drones), Startup Maker (studio de startups) et Hionos (autopilotes pour drones civils).

D’autres exemples sont disponibles dans le livre de Yves CAVAREC, « L’entreprise du vivre ensemble ».

Un exemple d’Orient qui infuse jusqu’en Occident : de la pyramide aux amibes ou « Amoeba Management » 

Une méthode également très innovante est celle du management par amibe. Kazuo Inamori, le fondateur de l’entreprise Kyocera et dirigeant des entreprises KDDI Corporation puis Japan Airlines, a mis au point pour son groupe cette méthode appelée « Amoeba Management. »

Cette méthode innovante s’appuie sur 2 principes du groupe KYOCERA : « Agir correctement en tant qu’être humain » et « utiliser le potentiel de leadership de tous les employés ». Cette philosophie couplée, d’une part avec une gestion par micro-organisations simple et précise et, d’autre part, avec une distribution de la responsabilité en petites unités autoportantes – telles des amibes – peut aider les grandes organisations à atteindre un degré élevé de flexibilité et de perception du marché. Ce modèle qui consiste donc à diviser l’organisation en petites unités opérationnelles animées par un leader qui a la charge de construire avec son équipe les objectifs et les plans d’actions de « l’amibe ». 

Les « amibes » ont pour principe de fonctionner en équipe, sur le mode collaboratif nécessitant la participation de tous aux efforts collectifs, qui contribuent au succès de l’amibe. Dans ce modèle, chaque collaborateur joue un rôle essentiel, et s’engage volontairement à cogérer « l’amibe ».

Ce système est intéressant car il vient d’un autre continent : l’Asie. On retrouve nos cercles autonomes (« amibes »), et un management partagé entre tous les collaborateurs. Son fondateur est un leader libérateur, ancien moine bouddhiste qui fait reposer son management sur une « philosophie » basée sur l’altruisme et sur « ce qui semble juste en tant qu’être humain ». 

Ce principe est appelé « Le management par tous » est particulièrement efficaces dans des environnements dynamiques et hautement concurrentiels, ces principes ont été reconnus par la « Harvard Business Review » et ont déjà été adoptés avec succès par plus de 400 entreprises à travers le monde.

Appelé au chevet de JAL en faillite, il a sauvé cette entreprise qui cumule aujourd’hui plus de bénéfices que toutes les autres compagnies aériennes japonaises réunies. Le Dr Inamori a fait récemment une conférence en France sur l’altruisme à l’EM Lyon, et en Chine il fait régulièrement des conventions devant 30 000 personnes.

J’ai pu rencontrer Arnaud Velthuizen, DG de la filiale Kyocera Document Solution France en 2017. Il m’explique alors que les petits livres rouge, vert et bleu, que chaque employé reçoit en arrivant, regroupent les principes de la philosophie du Dr Inamori et comment les mettre en œuvre. Cette philosophie donne du sens, demande le respect des autres, et fait l’objet d’une lecture en groupe chaque vendredi ou chacun expose des éléments de la philosophie qui le touche. Cela vient de la culture bouddhiste : l’esprit s’élève pour donner du sens. Il y a aussi des séminaires en interne pour parler de la philosophie, en général d’une demi-journée avec des vidéos du Dr Inamori.

Cette philosophie est mise en action comme la politique RSE qui existe depuis longtemps chez Kyocera, avec la certification ISO 27001, ce qui permet de donner du sens et de contribuer à faire grandir les collaborateurs tout en faisant avancer la société. Le système ÉCOSYS, technologie particulièrement propre pour l’environnement, a été lancé par la branche allemande en 2000. D’un point de vue commercial, les clients sont considérés comme de vrais partenaires avec qui les offres sont co-construites, sur un principe gagnant – gagnant. L’idée est d’éliminer ce qui peut se mettre sur la route de l’objectif final : remporter un marché. Donc cela sert le business et cette philosophie permet de le mettre son travail en action de manière concrète.

Pour les managers des amibes, l’objectif est de repousser les arguments « c’est impossible » et arriver à travailler sur le collectif pour repousser toutes les barrières. Concrètement les amibes se font des refacturations virtuelles entre les services car ce sont des centres de profit. Chaque amibe doit être rentable. Chacun est fier de son résultat, et l’auto contrôle régule. En terme RH, l’entreprise recherche des pionniers qui ont la bonne attitude. Les compétences pourront s’acquérir plus tard. Il faut que le candidat adhère d’abord à la culture : c’est ce qui fédère autour d’une vision. Le dirigeant, lui, doit être un coach, être lui-même accompagné et rester en lien avec la réalité en voyant chaque semaine des clients. Selon lui, un leader doit être exigeant avec lui-même et avec ses collaborateurs, il doit les protéger de la peur et leur apporter des compétences. L’entreprise, sur un marché extrêmement concurrentiel, est en croissance constante depuis plus de quinze ans. 

Faut-il en conclure que l’entreprise libérée est un concept galvaudé, une idée qui appartient déjà au passé ?

Car oui, cela fait quelques décennies déjà que cette tendance existe…

Mais pour autant, à l’échelle du temps « humain », certains concepts ne sont-ils pas d’éternels renouvellements ?

On parle beaucoup d’accélération du changement, liée notamment aux progrès technologiques récents… mais Héraclite ne disait-il pas déjà en l’an 500 avant J.C. « Il n’y a rien de permanent, sauf le changement ? »  

Et Socrate en 400 avant JC argumente « Il vaut mieux obéir aux lois qu’aux hommes, je défends la souveraineté et l’autonomie de la raison : si le « daimonion » m’avais donné un ordre que j’aurais estimé contraire à la raison, j’aurais refusé d’obéir. » Cela peut être interprété comme « des règles du jeu ou une constitution valent mieux que le pouvoir éclairé de quelques dirigeants », un des fondements de l’entreprise libérée ? 

 

Photo de fauxels provenant de Pexels

Et le management dans tout ça ? 

Dans les entreprises opales, le management n’a pas forcément disparu. Mais il est réparti un petit peu partout (par subsidiarité) au lieu d’être centralisé aux mains de gens débordés qui n’ont qu’une vision biaisée de la réalité. Et tout le monde n’est pas sur un pied d’égalité, car l’essentiel n’est pas d’arriver à un équilibre des pouvoirs ou de créer des contre-pouvoirs, mais plutôt de donner à chacun le leadership qui lui est nécessaire pour développer pleinement son potentiel. Dans un écosystème, une fougère et un champignon ne sont pas aussi haut que l’arbre juste à côté, mais ils coopèrent pour survivre. 

Quelques règles de fonctionnement des entreprises opales :

  • Rôles. Des rôles élémentaires fluides sont établis à la place de descriptions de poste figées.
  • Prise de décision : elle se fait au travers d’un processus de sollicitation d’avis ou par consentement par le traitement des objections comme en sociocratie ou holacratie.
  • Gestion de crise : la communication est transparente. Tout le monde est impliqué pour faire émerger la meilleure réponse possible via l’intelligence collective. 
  • Achats et investissements : chacun peut engager n’importe quelle dépense dans ses rôles, sous réserve d’avoir sollicités les avis des personnes expertes ou impactées et d’en endosser la responsabilité vis-à-vis du reste de l’entreprise.
  • Transparence : toute l’information est accessible à tous en temps réel sur tous les sujets, y compris les finances et les rémunérations.
  • Attribution des rôles : il n’y a pas de « promotion ». Une attribution des rôles est réalisée par un processus d’élection sans candidat par exemple. 
  • Gestion de la performance : l’accent est mis sur la performance collective, l’évaluation des performances individuelles est faite par les pairs, par évaluation des résultats des rôles inscrites dans les redevabilités.
  • Rémunération : l’auto-évaluation peut permettre de fixer le niveau de salaire par péréquation avec les autres salaires pour un écart de salaires minimisé. Il n’y a pas souvent de primes et le partage des bénéfices se fait si possible de façon concertée.

Selon Sébastien Henry, coach, écrivain et conférencier, qui est particulièrement en accord avec les propositions de Frédéric LALOUX, trois critères sont essentiels pour réussir cette approche :

  • Les équipes sont autonomes, pluridisciplinaires, et prennent la plupart des décisions.
  • Les collaborateurs ne se restreignent pas à un rôle dans l’entreprise. Ils disposent ainsi d’énergie et de créativité.
  • Les collaborateurs filtrent les décisions selon leur pertinence et leur cohérence avec la mission de l’entreprise.

Est-ce pour autant la fin du management comme le dit Gary HAMEL ? Au-delà du titre provocateur, ce « pape » moderne du management explique plutôt qu’il est temps de réinventer le management pour libérer l’innovation managériale.  « Pour la première fois depuis l’ère industrielle, la seule manière de construire une entreprise adaptée à l’avenir, c’est de faire en sorte qu’elle soit adaptée aussi aux hommes et aux femmes qui y travaillent ». Et le choix n’est pas à faire entre des organisations « avec » ou « sans » managers, mais plutôt pour des entreprises où ne travaillent que des personnes prenant des initiatives, responsabilisées, bref des « leaders ». Les autres seront un jour ou l’autre remplacés par une intelligence artificielle. 

Mais quel type de leaders ? Pour Gérald KARSENTI, le glas a sonné pour les leaders narcissiques égocentrés laissant la voie aux leaders non dominants, ayant un esprit créatif, une exemplarité irréprochable, une certaine dose d’humilité, un véritable esprit collaboratif, une capacité à déléguer, une aptitude à donner du sens, et ayant une démarche centrée sur les clients et l’humain. Et selon lui, les femmes répondent particulièrement bien à cette description, qui gèrent leur ego d’une façon différente, ne cherchant pas la confrontation, mais ne renonçant pas facilement non plus à un objectif, laissant les autres grandir et favorisant ainsi la coopération.

En conclusion, je citerai Isaac ASIMOV, toujours autant d’actualité 50 ans après ses nombreux romans de science-fiction qui ont inspirés beaucoup de créations cinématographiques comme Star Wars, Dune, Blade Runner ou I, Robot… qui nous rappelle que mettre l’Humain, la confiance et l’intelligence collective au centre des organisations n’est sans doute pas une mauvaise idée…

« Il faut garder la foi en notre vieux cerveaux d’Homme ! Notre plus grande richesse, c’est notre génie créateur. » Le Cycle des robots, tome 3, Les cavernes d’acier.

 

Sources : 

12 Frédéric Laloux, « Reinventing Organizations : des communautés de travail inspirées », 2015

13 Duc Ha Duong témoigne lors du Club “Human Organization of Work”, Bpifrance, 5/07/2017

14 Christophe Baillon lors du Club “Human Organization of Work”, Bpifrance, 5/07/2017

15 Yves Cavarec, « L’entreprise du vivre ensemble », Harmattan, 2016

16 Kazuo Inamori, « Amoeba Management », De Boeke, 2014

17 Kazuo Inamori a reçu le prix PhD Honoris Causa à EM Lyon le 7 mai 2015

18 Interview de Arnaud Velthuizen, KDSF, Gif-sur-Yvette, 13/04/2017

19 Sébastien Henry, « Ces décideurs qui méditent et s’engagent », Dunod, 2014

20 Gary Hamel, « La fin du management », Vuibert, 2008

21 Gérald Karsenti, « Leaders du 3ème type », Eyrolles, 2016

Photo de couverture : Quang Anh Ha Nguyen provenant de Pexels

 

En savoir + : 

Lire la partie 1,

Lire la partie 2.

Les managers sont-ils vraiment prêts à jouer le jeu de l’entreprise libérée ?

 

La promesse de l’entreprise libérée ? Rendre l’entreprise plus performante avec des employés libérés de la hiérarchie et du contrôle. On parle aussi d’entreprise «  pourquoi » parce que l’essentiel est l’objectif, pas les moyens mis en œuvre pour l’atteindre. Concrètement, le phénomène de l’entreprise libérée nous confronte aux limites du modèle de l’organisation verticale, et aux réticences des dirigeants et managers à lâcher le contrôle.

Mais comment fonctionnent concrètement les entreprises libérées ?

L’entreprise libérée est basée sur la responsabilisation des collaborateurs de tous niveaux, qui passe par une grande autonomie et la modification du rôle des managers. Les collaborateurs sont autonomes au sein de petites équipes qui gèrent pour une clientèle donnée l’ensemble des processus. Ils s’appuient sur un cadre très explicite et transparent, des règles du jeu co-construites et respectées par tous, soutenus par des coachs et ils reçoivent régulièrement des formations pour monter en compétence, pour avoir la capacité de décider de la meilleure façon d’organiser leur travail.

Le prérequis de l’entreprise libérée : une vision partagée par tous les salariés, une raison d’être de l’organisation qui leur permettra d’atteindre le but commun en le comprenant bien. 

Résultats : des équipes beaucoup plus engagées car impliquées dans les décisions et dans l’organisation de leur travail. Il en résulte une performance sociale accrue (moins d’arrêts maladie, de burnout, de grève…) et économique. En effet les salariés étant directement au contact des clients et libres de leurs décisions, ils sont beaucoup plus adaptables et savent répondre aux exigences clients sans passer par leur hiérarchie. Les clients sont satisfaits, les produits adaptés et de qualité, et les ventes et les performances augmentent.

Deux exemples sont parlants : 

  • FAVI qui fabrique des pièces pour les boîtes de vitesse dans l’automobile en Picardie a mis en place des mini-usines, de petites équipes libres et autonomes formées aux processus de vente, communication, recrutement… et sur un marché hyperconcurrentiel de l’équipement automobile… est devenu le leader européen dans son secteur, qui exporte même en Chine !
  • SOL qui réalise des prestations de nettoyage industriel en Finlande réalise 15% croissance par an depuis 22 an !

Selon Ludovic Cinquin, du cabinet de conseil Octo Technology (Accenture), les principaux points clés d’une transition culturelle entre une entreprise traditionnelle et une entreprise libérée : un leader inspiré, la transparence, l’authenticité, l’autonomie et le droit à l’erreur. Ce sont d’ailleurs les piliers culturels d’entreprises nées avec le numérique comme Netflix (Reed Hastings), Blablacar (Frédéric Mazzella) ou Facebook (Mark Zuckerberg).

 

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L’entreprise libérée : une solution miracle ?

L’entreprise libérée serait-elle la solution miracle à tous les dysfonctionnements que l’on constate dans la plupart des entreprises et organisations calquées sur le modèle bureaucratique et hiérarchique ? 

Cette réponse serait simpliste, car les ingrédients, les conditions de réussite de ce modèle, reposent sur des choix que peu de dirigeants acceptent de faire, car ils mettent en jeu les attributs du pouvoir qui sont encore ceux de la société actuelle. « Se défaire de son égo est une chose extrêmement compliquée pour un manager ou un dirigeant, et cela nécessite de faire un grand travail sur soi. Néanmoins, ceux qui sont passés à l’acte et s’y sont tenus en ont récolté les résultats. ». Mais la mise en œuvre d’une entreprise libérée est complexe, tant cela représente un changement radical de paradigme. 

Pour Gilles VERRIER le terme est trompeur : libérer l’entreprise doit être en mouvement permanent alors que le nom « entreprise libérée » paraît statique. Car il est important de se focaliser sur l’élimination des obstacles entre les collaborateurs et l’objectif à atteindre. 

Mais la responsabilité se décrète-t-elle ? Comment faire adhérer les collaborateurs qui ont toujours appris à obéir et ne pas prendre de risques ? 

D’ailleurs, un autre souci est le concept même de leader libérateur et ses limites structurelles. Que faire si on n’en a pas ? Enfin, il y a la problématique réelle du : « Comment embarquer les managers ? »

Il est essentiel de développer un leadership fort chez les personnes qui tiennent les rôles. Le leadership, s’il se répand dans l’organisation, va permettre à chacun d’assumer ses rôles et sera un facteur puissant de résilience de l’entreprise. 

Mettre en place des organisations moins pyramidales, accompagnées d’un changement de style de management ne s’improvise pas. L’origine des entreprises libérées est souvent l’apparition d’une crise et d’un leader qui offre plus de liberté en échange de plus de responsabilité et co-construit la raison d’être de l’organisation, puis transfère le leadership aux employés en laissant naître des leaders naturels. Ce changement de paradigme ne peut se réaliser sans la volonté, l’énergie et le charisme de leaders, et sont souvent initiées par le dirigeant à l’image de Jean-François Zobrist (FAVI), Liisa Joronen (SOL) ou Vineet Nayar (HCLT). 

 

Les raisons :

La vision, le but commun ou la raison d’être d’une entreprise sont souvent le précarré des dirigeants, même s’ils décident d’en partager les choix et la mise en œuvre.

La mise en place d’une nouvelle organisation passe par une nouvelle gouvernance, de nouveaux processus de décision, encore une fois l’apanage du comité exécutif.

– Toute tentative de libération ou de changement de style de management échouera si les dirigeants s’opposent dès la moindre contrainte ou si les résultats n’arrivent pas assez vite.

Emmener les managers dans un changement qui va leur faire perdre leur pouvoir tel qu’ils le perçoivent est un risque réel s’il n’est pas accompagné correctement.

 

Le président du Ministère Belge de la Santé Publique, de la Sécurité Alimentaire et de l’Environnement, Frank Van MASSENHOVE, témoigne de la libération de son périmètre : « La majorité de mes collègues qui dirigent une administration comme la mienne trouvent que le processus que j’ai engagé est dangereux… pour leur statut personnel. Ils veulent demeurer le chef parmi les chefs. Nous avons cassé cette chaîne hiérarchique et les agents sont désormais agiles, ils s’auto-organisent et ils travaillent mieux comme cela. La productivité de nos 1 000 agents a augmenté de 81 % en dix ans. »

D’autres entreprises renouent avec le succès, parce que libérées. Il en est ainsi de la PME française Chrono Flex, dont le redressement est relaté dans le livre de son fondateur Alexandre GERARD « le patron qui ne voulait plus être chef », désormais animateur du groupe « Inov’On ».

 

Sources : 

4 Ludovic Cinquin, « De l’entreprise digitale à l’entreprise libérée », USI, 27/01/2016

5 Interview de Hakim Haïkel, Directeur Général du SIAV qui est passé en Holacracy en 2017

6 Gilles Verrier, Nicolas Bourgeois, « Faut-il libérer l’entreprise ? », Dunod, 2016

7 Jean-François Zobrist, « La Belle Histoire de Favi », 2014

8 Muriel Jasor, « Liberté et performance, un duo gagnant », Les Echos, 07/02/2012 

9 Vineet Nayar, « Comment renverser les règles du management », 2011

10 Frank Van Massenhove, « Libérer une administration », acteurspublics.com, 6/10/2017

11 Alexandre Gérard, « Le Patron qui ne voulait plus être chef », Flammarion, 2017. 

Photo de couverture :  fauxels provenant de Pexels

Fondements et principes : posons les bases d’une entreprise libérée

 

L’entreprise libérée consiste à supprimer au maximum les hiérarchies. La fonction de manager est quasi inexistante et chacun, responsable de son poste, travaille à atteindre son objectif en pleine autonomie et en collaboration avec son service ou son équipe. Le courant de l’entreprise libérée a été popularisé par le professeur Isaac Getz en 2009, mais le concept existant bien avant. De tout temps, les entreprises ont cherché un nouveau mode organisationnel. Dans cette première partie, Cyril Ogée tente de définir le courant de l’entreprise libérée. 

Quelle définition peut-on donner à l’entreprise libérée ?

La tendance médiatisée il y a une dizaine d’années, dite des « entreprises libérées », décrite par Isaac Getz, professeur à l’ESCP Europe, dans son fameux livre « Liberté et Cie » co-écrit par Brian M. CARNEY en 2009, est-elle déjà galvaudée ? Plutôt que de libérer l’entreprise, Isaac Getz parle d’ailleurs plutôt de libérer les collaborateurs du cadre hiérarchique contraignant pour qu’ils soient engagés et responsabilisés, et le titre original l’illustre bien : « Freedom Inc.: Free Your Employees and Let Them Lead Your Business ».

Il explique comment des dizaines d’entreprises ont réussi en responsabilisant leurs employés, en leur faisant confiance et en leur laissant une très grande autonomie de décision : les salariés sont libres et responsables d’entreprendre toutes les actions qu’ils estiment les meilleures pour l’entreprise, en fonction des rôles qu’ils tiennent. 

Les entreprises libérées fonctionnent avec peu de hiérarchie, partagent la gouvernance et le leadership entre tous les collaborateurs. L’autonomie est le maître mot pour laisser ceux qui savent et ont l’expertise décider de la meilleure action à entreprendre. La compétence, et donc la formation et la bonne répartition des rôles entre les personnes, sont des éléments clés pour rendre l’autonomie possible. Et pour faciliter les décisions dans ses rôles, le “pourquoi” ou le but de l’organisation permet de filtrer les priorités, de contribuer à la raison d’être ou mission de l’organisation. 

L’absence de manager omniscient (au sens traditionnel du management du XXème siècle) oblige chacun à s’engager envers tous ses collègues (en étant redevable dans ses rôles) et non plus seulement vis-à-vis d’un(e) chef(e). On passe alors de la collaboration en silos à la coopération, ou la co-construction, afin d’atteindre les objectifs permettant de donner vie à la mission commune. Les entreprises ayant un management traditionnel et pyramidal fonctionnent généralement avec un budget, une planification, des processus et des procédures expliquant comment précisément faire son travail. Cette organisation taylorienne – structurée en niveaux hiérarchiques – est issue des révolutions industrielles, avec une bureaucratie importante et des décisions prises en haut de la pyramide, et descendant en cascade sur les managers de proximité. Les collaborateurs sont vus comme des exécutants, la direction décidant pour eux et demandant aux managers de faire appliquer les directives et de contrôler les résultats. C’est une approche assez infantilisante, qui engendre l’absence d’engagement et une démotivation grandissante de tous les salariés.

De nouvelles approches plus « responsabilisantes » libèrent les collaborateurs et les placent sur un pied d’égalité (ou d’équivalence), encouragent le travail collaboratif. Elles impliquent une écoute mutuelle, permettent aux personnes de mieux s’épanouir en étant considérées comme des individualités et non juste les « ressources humaines ». Les équipes sont ainsi plus facilement motivées, impliquées, loyales, et bien plus efficientes. Les personnes étant à la bonne place (compétences, autonomie dans leurs rôles, adéquation avec les valeurs de l’organisation ou de l’équipe) … Finalement, les personnes sont plus alignées entre ce qu’elles font et ce qu’elles sont (wholeness). Cet engagement de chacun permet une plus grande création de valeur, et de meilleurs résultats économiques pour l’entreprise. 

 

Quelles entreprises se sont libérées ?

En France et en Belgique, des entreprises comme la MAIF, Auchan, Kiabi, Leroy Merlin, Décathlon, Leclerc Rochefort, Airbus, Orangina, Michelin, AxaBanque, BNP-Parisbas, Critéo, AccorHotels, La CPAM des Yvelines, La Commission Européenne, le Ministère Belge de la Mobilité et des Transports, le Ministère Belge de la Santé Publique et de l’Environnement, ChronoFlex (Groupe Inov’On), Lippi, Biose, Poult, Arca, Favi, Sol, Richard Group, le Syndicat Interprofessionnel de l’Assainissement de Valenciennes, Dynalec et bien d’autres encore se déclarent engagées dans cette approche. Selon Fabrice AUDRAIN, PDG de Dynalec, « en entreprise libérée, on ne perd pas le contrôle : on le partage ».

Jean-François ZOBRIST, ancien directeur général de FAVI, a développé toute une méthodologie remarquable sur le management et la qualité, particulièrement efficace puisqu’elle a permis à l’entreprise de devenir leader sur son marché en dépit de circonstances difficiles. Cette méthodologie de management par la qualité constitue par elle-même une quasi-encyclopédie du management et de la qualité, écrite avec une vision d’efficacité opérationnelle et de rentabilité.

Selon lui, « Le management est une forme de laisser faire pour faire en sorte que les choses se fassent d’elles-mêmes. » et « Le bonheur au travail c’est savoir pour quoi et pour qui on travaille. Et être libre du comment. ». 

Toujours selon Jean-François ZOBRIST, l’entreprise libérée n’est pas une mode, c’est un passage obligé. Depuis 50 ans en Occident on est dans un cycle « production-consommation » et on ne sait plus pour quoi on travaille, on est malheureux. « Or ce cycle est fini, le marché de masse n’existe plus… Nous ne vivons pas une crise mais une fin de cycle. Il faut inventer le prochain cycle et l’entreprise libérée en fera partie. »

 

Les principes de l’entreprise libérée : la confiance !

L’entreprise libérée invite chaque organisation à faire du sur-mesure sans aucun schéma préétabli. Celle-ci peut, selon ses besoins, adapter librement une philosophie qui se fonde sur la conviction que l’Homme est digne de confiance. Le concept désigne une organisation caractérisée par un respect des collaborateurs considérés comme des adultes pleinement responsables. Comme l’explique Isaac Getz dans ses livres, c’est une forme organisationnelle dans laquelle les salariés sont totalement libres et responsables dans les actions qu’ils jugent bon d’entreprendre. Cette approche pose comme postulat de départ que la théorie Y de Douglas McGregor (pour rappel, l’Homme aime le travail et les responsabilités, et n’a pas besoin d’être contrôlé) est avérée. Elle prône comme valeur fondatrice la confiance en l’Homme et l’intelligence collective. Ce qui est paradoxal quand on constate que la direction des entreprises prend comme prérequis le fait que les collaborateurs lui fassent confiance, en quoi l’inverse devrait-il être différent ? Les avantages : c’est un système qui donne du sens au dirigeant et aux collaborateurs, en les impliquant dans la vision et les projets, ce qui permet de ne pas « manager pour les 2 à 3% de personnes qui auraient tendance à abuser de la confiance ». Comme le dit Isaac Getz dans une publication :

« Faire confiance » : utopiste ou réaliste ?

Dans les entreprises, on appelle parfois ceux qui font toujours confiance aux salariés « les utopistes » et ceux qui contrôlent toujours « les réalistes.« 

Mais si on tient compte des observations que seuls 2 à 3% des salariés abusent de la confiance qu’on leur donne, ne devrait-on pas appeler ceux qui font confiance et se reposent sur l’autocontrôle les réalistes, et ceux qui dépensent de larges sommes et efforts pour contrôler des utopistes ? » 

 

Les principes de l’entreprise libérée : satisfaire les besoins universels !

Le modèle de l’entreprise libérée est centré sur l’analyse des besoins universels des êtres humains, à savoir :

Le besoin intrinsèque d’égalité ou d’équivalence et sa traduction dans le monde du travail par le respect, la considération, la confiance, la bienveillance, la prise d’avis croisée. La satisfaction de ce besoin d’égalité implique que l’organisation considère les collaborateurs comme des êtres doués d’intelligence, capables de réfléchir et d’agir par eux-mêmes, tels qu’ils le sont par ailleurs dans la société en tant que citoyens capables de choisir démocratiquement leurs représentants.

Le développement personnel, qui se traduit par le besoin d’apprendre et de progresser. La satisfaction de ce besoin passe par la mise en place d’actions proactives en matière de formation et de signes de reconnaissance par les pairs et l’organisation.

L’auto-direction, dont les ressorts remontent à la petite enfance, période durant laquelle l’enfant expérimente et revendique l’autonomie et l’affirmation de soi. La satisfaction de ce besoin implique de la confiance et son corollaire, le droit à l’erreur et sa reconnaissance. Cette confiance accordée contribue aussi de renforcer l’estime de soi, indispensable pour devenir plus assertif dans son métier. 

L’application de ces trois principes dans un certain nombre d’entreprises libérées se traduit par une augmentation de la performance, mesurée notamment par la croissance du chiffre d’affaires corrélée à une augmentation du bien-être des salariés. 

 

Sources : 

1 Isaac Getz, « L’Entreprise libérée : Comment se désintoxiquer des vieux modèles », 2017

2 Isaac Getz, « Quand La Liberté Des Salariés Fait Le Succès Des Entreprises », 2009

3 Gwen Catheline, « Une Scop sur le chemin de la libération », Le Télégramme, 29-07-2017

Photo de couverture : de fauxels provenant de Pexels

 

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